Toute l’histoire du monde
régiments qu’on pouvait encore faire sortir de France, ou déjà repliés en Angleterre (les chasseurs alpins, la Légion), renforçant l’armée d’Afrique – les chances d’une poursuite du combat étaient grandes.
La France gardait des atouts : une armée coloniale, une magnifique marine, un empire immense en Afrique et en Asie.
On nous dit que les Allemands auraient immédiatement envahi l’Afrique du Nord. Hypothèse absurde : incapables de franchir le pas de Calais, comment auraient-ils pu traverser la Méditerranée devant la suprématie navale anglo-française ? Il y avait bien l’Italie, mais nous avons noté que, hostile aux nazis, le peuple italien n’était pas – c’est le moins qu’on puisse dire – enthousiasmé pour cette guerre. Quant à Franco, il refusait le passage à Hitler. Envahir l’Espagne n’était pas une sinécure. Celle-ci envahie, le détroit tumultueux que garde la base, toujours anglaise, de Gibraltar aurait été un obstacle insurmontable. Certes, la Libye était italienne, mais si les Allemands y débarquèrent, au secours des Italiens, avec Rommel, ce ne put être qu’en petit nombre. L’armée française d’Afrique, pourtant mal équipée, sut arrêter – seule, les Américains ayant fui – les Allemands parvenus en Tunisie à cause de la trahison de l’amiral Esteva, pendant le terrible hiver 1942-1943. Elle l’aurait fait de la même manière en 1940-1941.
Les Allemands auraient occupé sur l’heure la France métropolitaine, certes. Mais il faut s’interroger : les Français auraient-ils été plus malheureux ? La réponse est non. Ils auraient subi le même sort que les Belges et les Hollandais. D’ailleurs, l’occupation totale du territoire ne fut repoussée que d’un peu plus de deux ans. Moralement, la situation aurait été claire pour les citoyens.
Continuant la guerre depuis Alger, la France, malheureuse en 1940, serait restée en ligne pour la victoire finale. C’est du reste ce qui se fera avec de Gaulle en 1943, mais avec des forces considérablement réduites et un crédit entamé par Vichy. Nous savons que Paul Rey-naud ne fut pas l’homme de ce destin.
Une fois ce point éclairci, le bilan du gouvernement de Vichy est catastrophique. Rappelons que les gens de Vichy ne seraient jamais arrivés au pouvoir par l’élection. Ils représentaient l’éternelle extrême droite, autour de 10 % du corps électoral, et les dernières élections libres, en 1936, avaient porté au pouvoir le Front populaire.
Rappelons surtout que le chancelier Adolf Hitler a passionnément voulu Vichy. La France, pays immense à l’échelle européenne, était un morceau difficile à digérer pour la Wehrmacht, contrairement à la petite Belgique. L’armée allemande entière risquait de s’y enliser. D’où l’empressement que le Führer mit à favoriser l’installation en juin 1940 à Vichy, avec le maréchal Pétain, héros emblématique de la Grande Guerre, d’un gouvernement français à sa main. Les Anglais ne s’y trompèrent pas qui, dès le 3 juillet, écrasèrent à Mers el-Kébir la partie la plus accessible pour eux de la flotte française. Churchill ne pouvait courir aucun risque : celui de voir la « Royale » passer aux Allemands était inacceptable.
Hitler fit à Pétain de grandes concessions apparentes : la non-confiscation de la flotte de Toulon ; une « zone (dite) libre », non occupée par les troupes allemandes, où était situé (dans la ville d’eaux de Vichy) le gouvernement Pétain-Laval ; le respect de l’empire colonial -cette dernière concession ne coûtait rien car, nous l’avons dit plus haut, Hitler savait très bien qu’il n’avait pas les moyens de s’en emparer.
Mais Vichy permettait à la France, qui restait administrée par ses préfets et fonctionnaires indigènes, de servir de bordel et de camp de repos à la Wehrmacht. Vichy permettait à l’Allemagne de piller tout à son aise les ressources de l’économie et de l’industrie françaises. Vichy dispensait la Kriegsmarine, et la marine italienne, d’avoir à se mesurer avec la marine française, qui aurait été redoutable si elle avait combattu. La responsabilité sur ce point du grand amiral de la flotte, le sinistre Darlan, ne se saurait dire.
On prétend que Vichy a évité aux Français certaines horreurs de la guerre. C’est le contraire qui est vrai.
Vichy a fait la guerre trois fois, et avec une grande énergie, mais
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