Toute l’histoire du monde
Américains avaient leur ambassadeur à Vichy. La chance de De Gaulle fut d’avoir été compris par Winston Churchill, qui le protégea, l’admira et le détesta tout à la fois.
Les concessions sordides de Vichy révoltaient de plus en plus les Français. Contrairement à ce que veulent nous faire croire certains, les Français n’étaient pas antisémites (beaucoup moins en tout cas qu’ils ne le furent, un instant, lors de l’affaire Dreyfus). Les historiens israéliens notent avec honnêteté que c’est en France que les juifs ont le plus survécu aux persécutions. L’un des auteurs de ce livre en témoigne, dont le grand-père maternel était juif.
Le STO – Service du travail obligatoire -, loi vichyste qui prétendait obliger les jeunes gens appelés au service à partir pour l’Allemagne, fit, au début de 1942 déborder le vase. À ce moment, la majorité de la population se déclara « gaulliste ». Les rapports des préfets de Vichy en font foi. Bien sûr, cela ne fit pas de la majorité d’entre eux des héros.
À ce moment, la Résistance était déjà structurée en mouvements, dont trois principaux : « Combat » d’Henri Frenay, officier d’activé ; « Libération » avec d’Astier de La Vigerie, un aristocrate ; et « Francs-tireurs » avec Jean-Pierre Lévy, plutôt de gauche.
La Résistance à ses débuts était, osons le mot, « bordélique ». À part Frenay, ses chefs étaient improvisés. Elle dut sa survie à l’indéniable soutien de la population. Les histoires sont innombrables à ce sujet.
Un résistant poursuivi par la Gestapo entre dans la boutique d’un coiffeur en train d’officier sous le portrait officiel du maréchal Pétain, Le coiffeur, au péril de sa vie, cache le fugitif.
Le risque des réseaux, c’est de se faire la guerre entre eux, tellement l’esprit de corps y est fort. Ainsi dérivèrent les mouvements yougoslaves (Tito contre Mihailovic) ou grecs (communistes contre royalistes). Le mérite de De Gaulle fut d’avoir évité cela, en fédérant les mouvements sous son autorité.
Ici intervient l’histoire de Jean Moulin. Nous l’avons rencontré chef de cabinet de Pierre Cot, en 1940. Il fut ensuite préfet de Chartres. Plutôt que d’accuser injustement des Sénégalais, il avait essayé de se trancher la gorge. Démis par Vichy, il gagna clandestinement Londres. L’histoire du contact entre ce préfet de gauche et le général de Gaulle fut d’emblée l’histoire d’une confiance totale.
Remarquons que, si autour du Général il n’y avait pas toute la France, on y trouvait des Français de tous horizons : cathos et israélites, athées et francs-maçons, de droite et de gauche. Un grand gaulliste, Pierre Brossolette, qui s’opposa souvent à Moulin, avait été éditorialiste au Populaire ; un gouverneur colonial noir, Félix Éboué, fut l’un de ses premiers partisans, au Tchad.
Jean Moulin, parachuté en France comme délégué du général de Gaulle, réussit, après bien des péripéties, à créer et à rassembler (rue du Four à Paris) le Conseil national de la Résistance (CNR), qui regroupait tous les mouvements et partis politiques.
Jean Moulin fut trahi (on trouve toujours des agents doubles dans les réseaux), arrêté et torturé ; il mourut. Mais l’œuvre était accomplie. C’était le temps des messages personnels auxquels Pierre Dac apportait sa note farfelue (du genre : « Ma vieille tante est tombée du grenier ») ; le temps des parachutages dans la nuit, les heures de pleine lune, où les petits Lysander faisaient la navette entre la France occupée et l’Angleterre, au nez et à la barbe des Allemands.
L’hommage que prononça Malraux pour Jean Moulin, lors du transfert de ses cendres au Panthéon, n’est pas immérité :
« Jean Moulin n’a pas créé Combat, Libération, Francs-tireurs… Il n’a pas créé les régiments, mais c’est lui qui a fait l’armée. Il a été le Carnot de la Résistance… C’est le temps où dans les campagnes nous interrogions les aboiements des chiens au fond de la nuit… des parachutes multicolores, chargés d’armes et de cigarettes, tombant du ciel dans les feux des clairières… Le temps des caves [de la Gestapo] et de ces cris désespérés que poussent les torturés avec des voix d’enfants…
« Jean Moulin, arrêté, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés, atteint les limites de la souffrance humaine
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