Toute l’histoire du monde
la crise de Cuba. Paradoxalement, l’île révoltée contre un caudillo corrompu et cruel, Batista, était devenue communiste. Le leader de la révolte, élève des jésuites, n’était pas communiste. Mais la bêtise obstinée de la domination américaine le poussa bientôt à le devenir, recherchant pour cela la protection russe. De mauvais gré, les Américains l’acceptèrent parce que les États-Unis possédaient sur l’île la grande base de Guantanamo (concédée par bail en 1898), que Fidel Castro se garda bien de réclamer.
Gagné par la démesure, Castro, qui soutenait assez mollement les guérillas d’Amérique latine – où s’illustrait son ami argentin « Che » (= « Argentin ») Guevara -, commit l’imprudence de laisser les Russes installer des fusées à Cuba.
L’irresponsabilité de Khrouchtchev était encore plus grande. Comment put-il imaginer que les États-Unis laisseraient faire ? La CIA, alors assez compétente, apprit vite la présence de ces missiles à 100 kilomètres des côtes américaines. On en fit passer des photos à de Gaulle. Celui-ci luttait contre l’hégémonie des États-Unis, mais n’oubliait pas qu’il restait leur allié. Il soutint totalement le président Kennedy. Lequel menaça de couler les bateaux russes approchant de Cuba. Khrouchtchev céda et remballa ses fusées (août 1962).
Le monde avait eu chaud ! L’expression « au bord du gouffre » n’est pas exagérée. Les témoins l’ont souligné, dont le secrétaire d’État américain Mac Namara.
Le danger de la dissuasion nucléaire est là. Certes, elle a évité plusieurs guerres entre la Russie et l’Amérique, mais elle repose sur le bluff : pour marcher, la dissuasion doit être crédible, la sécurité maximale reposant sur l’intimidation maximale. Ce qui fit écrire à Raymond Aron à propos de la guerre froide : « Paix impossible, guerre improbable. » La dissuasion demande au dirigeant suprême dont dépend la décision (un seul doit en effet « appuyer sur le bouton » : le président de la République française est ainsi toujours accompagné de sa mallette atomique) un sang-froid total.
On peut remercier Kennedy d’en avoir fait preuve. John Fitzgerald Kennedy fut d’ailleurs assassiné l’année suivante à Dallas (23 novembre 1963) pour des raisons mal élucidées qui n’ont probablement aucun rapport avec cette histoire.
Après cette crise, la guerre froide amena les deux partenaires à livrer des guerres absurdes et à commettre des erreurs inversement symétriques au Vietnam et en Afghanistan.
En Indochine, après le départ des Français (1954-1955), le Vietnam avait été partagé en deux : au nord, un État communiste, présidé par Hô Chi Minh ; au sud, un État pro-américain, présidé par le catholique Diem. Très vite, les communistes du Nord envahirent le Sud, mais sans refaire la faute des Nord-Coréens : leur invasion prit la forme d’infiltrations clandestines et d’encadrement des guérillas communistes du Sud-Vietnam.
Les États-Unis envoyèrent sur place de nombreux conseillers militaires. Le président Johnson, successeur de Kennedy, passa à la guerre ouverte. Le corps expéditionnaire américain atteignit les 500 000 GI. Johnson fit bombarder le Nord. Au Sud, de véritables batailles rangées opposèrent Américains, leurs partisans vietnamiens et les troupes régulières communistes.
Les Américains firent moins bien que les Français, dont l’armée (trois fois moins nombreuse) occupait, du temps de leur guerre, le Vietnam entier. Il est vrai que les Français connaissaient le pays depuis longtemps. Les Américains, eux, en ignoraient tout. Malgré d’immenses moyens – hélicoptères par centaines (voir le film Apocalypse Now), bombardiers lourds, artillerie -, l’armée américaine s’enlisa dans la jungle, la population lui devenant de plus en plus hostile.
Un jour de nouvel an vietnamien (fête du Tet), les réguliers communistes occupèrent Saigon et Huê, d’où il fut difficile de les déloger.
À l’époque, la presse faisait ce qu’elle voulait. Sur leurs postes de télévision, les familles, restées au pays, pouvaient voir en direct combats, tués et blessés. L’opinion comprenait mal ce que les boys (c’était encore le temps de la conscription) faisaient dans ce pays inconnu. Elle exigea le retrait du corps expéditionnaire. Le président Nixon y consentit. En avril 1975, l’évacuation des troupes
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