Toute l’histoire du monde
romain germanique ». Mais ce titre impérial fut un malheur pour l’Italie, durablement divisée entre « Gibelins », partisans du roi allemand, et « Guelfes », opposés à cette espèce d’« Axe » médiéval. Surtout, l’idéal du Saint Empire a été un facteur de faiblesse pour les Allemands. À cause du rêve impérial, ils dispersèrent leurs forces en ambitions excessives au lieu de les consacrer à leur pays.
En réalité, l’Église préféra soutenir des monarchies locales. En 987, le duc de France, Hugues Capet, fut élu roi de France et choisit Paris pour capitale. Un siècle plus tard, en 1066, un seigneur viking francisé, Guillaume le Conquérant, devint roi d’Angleterre (voilà pourquoi la devise de la monarchie anglaise : « Dieu et mon droit », est en français). Les États nationaux émergeaient, avec leurs langues « vulgaires » (populaires) : le français, l’anglais, l’allemand, à côté du latin. En l’an 1000, Étienne I er devint roi de Hongrie par choix du pape et, en 1034, Casimir I er installa à Cracovie le royaume de Pologne.
Mais l’Église agissait surtout « par le bas », au niveau le plus local. Elle sut persuader les chefs germains ou slaves d’envoyer leurs enfants dans ses écoles. Là, les moines leur apprenaient à lire et à écrire en latin, et leur dispensaient une forte éducation civique : ne pas tuer les ecclésiastiques, ni les femmes et les enfants. Les moines firent comprendre à ces jeunes gens qu’il était plus habile de prélever des impôts sur les paysans que de manger leur blé en herbe, et plus rentable de taxer les commerçants que de les couper en morceaux. Les évêques ne dépréciaient pas la force virile de ces jeunes seigneurs ; ils leur enseignaient à mettre la force au service du bien – « de la veuve et de l’orphelin ». La transformation de ces brigands en « chevaliers » fut la grande réussite historique de l’Église catholique.
Le chevalier (qui chevauche un grand cheval de guerre, d’où l’expression « monter sur ses grands chevaux ») protège (dans l’idéal – en fait il y eut beaucoup de violences, mais l’idéal finit par conformer ceux qui le partagent) le paysan au lieu de le tuer. Cuirassé, appuyé sur ses étriers (une invention médiévale), il est invincible. Le chevalier honore les dames au lieu de les violer. Il a des droits (seigneuriaux), mais aussi des devoirs : rendre bonne justice, faire régner la paix dans son « ban ». La « banlieue » est le territoire dans lequel règne la loi (il est amusant de constater que ce terme évoque aujourd’hui le contraire !), le lieu du ban (et de l’arrière-ban). Le « forban » comme le « bandit » ou le « banni » sont exclus du ban.
Dans le château fort du seigneur, on distingue la « haute-cour », dans laquelle il rend justice, de la « basse-cour », accessible à tous. Le seigneur lui-même doit l’« hommage » au roi (de France, d’Angleterre, de Hongrie, etc.). À partir du monde rural, la féodalité restaure le droit. Comme les commerçants peuvent à nouveau commercer, les villes renaissent. Le pape réside à Rome ; les rois, à Paris, Londres, Cracovie… Le pouvoir politique est enfin distingué du pouvoir spirituel. La « querelle du sacerdoce et de l’empire », inconcevable pour un musulman, le prouve. Le prestige de la papauté était si grand qu’un empereur germanique, Henri IV, dut venir en chemise implorer le pardon du pape à Canossa (janvier 1077) – ce qui ne l’empêcha pas de continuer à s’opposer à l’Église par la suite.
Les papes de cette époque furent des géants : Grégoire VII (1073-1085), Innocent III (1160-1216), mais les rois furent fort laïcs. Les ordres religieux quittèrent leurs monastères pour s’en aller sur les grands chemins (la sécurité était revenue). Dominicains et franciscains contribuèrent efficacement à la transformation des mœurs. François d’Assise (1181-1226) retrouva notamment des accents presque évangéliques – « le seul disciple que le Christ ait jamais eu », dira de lui Nietzsche.
L’hégémonie (pas l’empire) appartenait à la couronne de France : à Bouvines, en 1214, Philippe Auguste (1165-1223) battit l’empereur germanique. Saint Louis (Louis IX, 1226-1270) incarna l’idéal du roi chrétien, rendant la justice et assurant la paix ; Philippe le Bel (1285-1314), celui du souverain laïc et politique,
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