Toute l’histoire du monde
îles. Elle posséda la Crète et Chypre. Le Péloponnèse fut vénitien jusqu’au XVIIIe siècle, et les îles Ioniennes jusqu’à ce que Napoléon les occupe. La Sérénissime commerçait de la Chine à la Baltique (Marco Polo était vénitien). Elle pratiquait la comptabilité en partie double, la lettre de change. Son arsenal, où se construisaient les galères de combat, fut longtemps la plus grande usine du monde. Dante en parle dans sa Divine Comédie. Gênes ne sut jamais dépasser les cols qui la surplombent ; Venise eut, au contraire, un vaste domaine terrestre (Vérone, Padoue).
Venise resta une république médiévale aristocratique : la « Sérénissime République dominante ». Nous l’appelons surtout la « Sérénissime » (très sage) ; les contemporains la nommaient plus généralement la « Dominante ». Cependant, son gouvernement était fort admiré. Le Sénat ayant notamment compris qu’il fallait payer honorablement les ouvriers, Venise ne connut pas les luttes sociales qui déchirèrent les autres cités médiévales. Elle échappa aussi à la tyrannie et resta « république ». Venise sut enfin inventer une architecture admirée par Froissart, lequel évoque « la plus triomphante cité » qu’il ait jamais vue.
Les marins italiens dominèrent ainsi la Méditerranée, comme les Phéniciens et les Grecs l’avaient fait deux millénaires auparavant.
L’apogée médiéval prit fin au XV e siècle.
Il y eut d’abord une gigantesque et meurtrière épidémie de peste. La « Grande Peste » ravagea l’Europe de 1347 à 1352, sans jamais disparaître tout à fait ensuite. D’elle datent les « danses macabres ». La moitié de la population européenne et peut-être asiatique (car l’épidémie arrivait de Chine) fut emportée en quelques années. On n’avait même plus le temps d’enterrer les morts, que l’on brûlait ou entassait dans des fosses communes.
Formidable catastrophe. Mais la chrétienté montra sa solidité en y survivant.
Au même moment – « Un malheur ne vient jamais seul », dit le proverbe (et peut-être en effet sont-ils liés) -, l’« optimum climatique » prit fin. Le climat général se refroidit, chassant les Vikings du Grœnland. Commencèrent alors des météorologies plus rudes. Il s’agit de ce que les spécialistes appellent le « petit âge glaciaire » : pas vraiment une glaciation, mais un net refroidissement. La Seine gela l’hiver. Ce petit âge glaciaire durera six siècles – jusqu’à la guerre de 14-18. Le réchauffement climatique dont on nous parle beaucoup, non sans raison, ne commence vraiment qu’à partir de 1960.
Avec la peste, avec le froid, les temps heureux de la chrétienté médiévale étaient terminés. Mais nous pouvons aujourd’hui compter ces trois siècles parmi les plus féconds de l’humanité et comparer le « miracle gothique » au « miracle grec », en donnant même l’avantage au premier (la femme, les techniques) sur le second ; d’autant plus que la courbe du progrès ne s’est plus arrêtée du Moyen Age à nos jours.
La naissance des nations. La guerre de Cent Ans
Le XIV e siècle connut une autre catastrophe : la guerre de Cent Ans. À Hugues Capet avaient succédé en France des descendants directs jusqu’en 1328. À cette date, deux candidats au trône s’opposèrent : le fils d’un frère du roi défunt (un neveu donc), Philippe de Valois, et le fils de sa fille (un petit-fils), Édouard, qui était devenu roi d’Angleterre sous le nom d’Édouard III et qui revendiqua la couronne de France en 1337.
Le Moyen Age avait inventé la légitimité monarchique héréditaire, supprimant ainsi l’un des grands sujets de trouble de l’empire romain : l’incertitude successorale. En monarchie médiévale, il n’existait plus de vacance du pouvoir : « Le roi est mort, vive le roi ! » disaient les légistes, affirmant par là que le décès d’un souverain entraînait automatiquement l’arrivée au pouvoir de son successeur.
Il y avait un ordre de succession. À la mort de Charles IV, en 1328, son plus proche parent par le sang était sa fille, mère d’Édouard III. En droit médiéval, la question ne faisait aucun doute. Mais les barons de France ne voulurent pas d’un roi « étranger ». Ils invoquèrent une loi franque, la « loi salique », qui écartait les femmes de Tordre successoral. Ils avaient tort en droit féodal, mais raison pour
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