Toute l’histoire du monde
volière, dans ce monde où le dauphin doutait d’être dauphin, la France d’être la France, l’armée d’être une armée, elle refit l’armée, le roi, la France – il n’y avait plus rien : soudain, il y eut l’espoir – et, par elle, les premières victoires qui rétablirent l’armée. Puis, à cause d’elle et contre presque tous les chefs militaires, le sacre qui rétablit le roi…
« Vingt ans après sa mort, Charles VII, qui ne se souciait pas d’avoir été sacré grâce à une sorcière, ordonna le procès de réhabilitation.
« Sa mère vint présenter le rescrit du pape qui autorisait la révision. Tout le passé revint et sortit de la vieillesse comme on sort de la nuit. Un quart de siècle s’était écoulé. Les pages de Jeanne étaient devenus des hommes mûrs.
« Cette fille, tous l’avaient connue ou rencontrée. Le duc d’Alençon l’avait vue, une nuit, nue en train de s’habiller, quand avec beaucoup d’autres ils couchaient sur la paille :
« "Elle était belle, dit-il, mais nul n’eût osé la désirer. " Devant les scribes attentifs, le chef de guerre se souvint de cette minute, il y a vingt-sept ans, à la lumière lunaire. »
L’histoire de Jeanne d’Arc n’est pas une légende. C’est la femme du Moyen Âge sur laquelle nous sommes le mieux documentés parce qu’il y eut deux procès, en condamnation et en révision. Deux « grands procès », ressentis comme tels par les hommes de loi du temps et sur lesquels nous gardons des centaines de pages de procédure, en plusieurs exemplaires : interrogatoires, témoignages, etc.
Cette extraordinaire et brève aventure est riche d’enseignements.
D’abord, l’importance de l’adhésion populaire (déjà signalée à propos de l’Athènes de Périclès) : Jeanne fut le porte-drapeau du peuple de France. Elle fit basculer l’opinion, et l’hostilité paysanne mit aussitôt les Anglais en difficulté.
Il est absurde d’abandonner la figure de Jeanne d’Arc à un Le Pen. Jeanne fut avant tout une résistante. Et si quelqu’un fut borné, c’est l’évêque Cauchon qui la condamna à Rouen, et non pas elle. Elle ne détestait d’ailleurs pas les Anglais ; elle désirait seulement les voir retourner dans leur pays.
Le rôle du prophétisme au Moyen Age permet d’expliquer l’importance de Jeanne. Aujourd’hui, son histoire nous est incompréhensible. Jeanne ne serait pas reçue à l’Élysée. Les généraux ne lui obéiraient pas. Aussi des historiens fantaisistes tentent-ils de trouver à l’histoire de Jeanne des ressorts inavoués. Ils disent qu’elle était une parente cachée du dauphin, et autres fariboles. Tout cela est ridicule ! Les rois médiévaux croyaient que Dieu pouvait s’adresser à eux par la médiation de n’importe qui. Ils croyaient (comme l’Israël biblique) qu’il y avait des prophètes. Jeanne fut prophète du patriotisme français. Vox populi, Vox Dei , « La voix du peuple est la voix de Dieu », affirme un adage ecclésiastique.
Enfin, l’histoire de Jeanne confirme, après celle d’Héloïse (qui avait le même âge, mais qui était issue d’un milieu littéraire parisien, et non d’un milieu rural provincial), l’extraordinaire féminisme du Moyen Âge. Malgré les apparences, notre époque est beaucoup moins féministe que celle de Jeanne. N’oublions pas que ce n’était qu’une jeune fille de dix-sept ans, au moment de ses victoires, en 1429. Or, cette jeune fille a réellement changé l’histoire du monde ; la France et l’Angleterre, les plus vieilles nations d’Europe, étaient aussi les premières puissances du moment.
On pourrait ajouter que la faillite des élites est chose assez fréquente. Quand généraux, juristes, évêques et barons collaboraient ou se couchaient, une fille inconnue sut redresser la France.
Les grandes découvertes et la mort des civilisations précolombiennes
Au XV e siècle, la scène du théâtre change.
Ce changement de décor est annoncé par une mauvaise nouvelle pour la chrétienté : la prise de Constantinople par les Turcs le 29 mai 1453.
Certains historiens retiennent cette date comme mettant fin au Moyen Âge et inaugurant les « Temps modernes ». Nous avons vu les Turcs, ces nomades islamisés, s’emparer de Bagdad en l’an 1055 et placer leur sultan à la tête de l’Islam (dynastie seldjoukide), auquel ils redonnèrent la force conquérante qui déclencha la contre-offensive des
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