Toute l’histoire du monde
Varsovie, ville dans laquelle, à l’occasion d’un bal, l’Empereur tomba amoureux d’une belle aristocrate de dix-huit ans. Des jours durant, Marie Walewska refusa les avances de l’homme le plus puissant du monde. Celui-ci, désarmé, lui envoyait des lettres de collégien timide. Marie finit par céder aux avances de Napoléon sur les instances répétées des plus hauts seigneurs polonais, qui pensaient que son sacrifice adoucirait le sort de la Pologne. Elle deviendra d’ailleurs amoureuse de Bonaparte, lui donnera un fils et lui restera fidèle dans l’épreuve. Cette love story n’aurait pas sa place dans l’Histoire si elle n’illustrait à merveille cette vérité : quand on parle d’amour, il ne s’agit plus de domination. En ces jours varsoviens, au plus haut éclat de sa gloire, l’« Ogre » révolutionnaire n’était qu’un amant suspendu au consentement d’une jeune fille.
Ce fut plus dur avec les Russes. À Eylau, sous la neige, en février 1807, se déroula une sorte de match nul sanglant. Napoléon se rattrapa en écrasant l’armée russe, en juin, à Friedland. Le tsar demanda la paix. Le principe monarchique et le principe révolutionnaire, la naissance et le talent, c’est-à-dire le tsar de toutes les Russies et l’empereur français, eurent une entrevue fameuse sur un radeau ancré au milieu du Niémen. Cette paix de Tilsit de juillet 1807 marque l’apogée de Napoléon. Depuis onze ans (il avait pris le commandement de l’armée d’Italie en 1796), Bonaparte avait fait un parcours sans faute. Grâce à lui, à Tilsit, les guerres de la Révolution se concluaient victorieusement.
Imaginons une seconde qu’il en soit resté là et que la Grande Armée soit retournée invaincue à Paris (si le nez de Cléopâtre…), qu’aurait pu faire l’Angleterre ?
À cet instant précis, l’Empereur fut saisi par la démesure, l’ubris des Grecs. Rien ne l’obligeait à intervenir en
Espagne, alors alliée de la France. Mais il voulut en chasser les Bourbons et asseoir sur le trône de Madrid son frère Joseph. Erreur fatale !
Pendant les campagnes précédentes, les populations italiennes, tchèques, polonaises ou bavaroises considéraient (sauf exceptions) les soldats français comme des libérateurs avec, au bout de leurs fusils, l’égalité et l’abolition des droits féodaux. « Une révolution, disait d’ailleurs Bonaparte, c’est une idée qui a trouvé des baïonnettes. » De cet état d’esprit, il existe une preuve concrète : dans tous ces pays, les soldats au repos pouvaient coucher chez l’habitant.
Mais le peuple espagnol, peu ouvert aux Lumières, considéra les Français comme de vulgaires envahisseurs. Le brave Joseph put arriver à Madrid, mais les « guérillas » (le mot vient de là) surgirent partout, massacrant les Français isolés. Il n’était plus question de coucher chez l’habitant ; on s’y serait fait égorger.
Du coup, l’armée anglaise put débarquer. Napoléon en personne gagna évidemment les batailles, mais, la Grande Armée se trouvant bloquée en Espagne, l’empereur d’Autriche regretta de s’être abaissé et se dit que Madrid était loin de Vienne. Mal lui en prit. Laissant la Grande Armée en Espagne, Bonaparte, avec une troupe de conscrits, fonça sur Vienne « avec mon chapeau, mon épée et mes petits conscrits », disait-il, ajoutant à l’usage de ses généraux cette consigne impérieuse : « Activité, activité, vitesse… » À Wagram, en juillet 1809, le souverain germanique battu dut donner à l’« Ogre » sa fille Marie-Louise en mariage (entre-temps Bonaparte avait répudié Joséphine) – le descendant de Charles Quint poussant sa fille dans le lit d’un révolutionnaire français !
Marie-Louise donna à Napoléon son seul enfant légitime (il mourra prince autrichien).
Peut-être l’Empereur aurait-il pu, une fois encore, comme après Tilsit, s’arrêter ? Mais, ne pouvant réduire l’Angleterre malgré l’embargo qu’il lui imposait (le blocus continental), il rompit la paix avec le tsar et, en 1812, attaqua la Russie.
Comme en Espagne, le peuple russe, réfractaire à Voltaire, se dressa contre l’invasion. Le 14 septembre 1812, Napoléon put coucher au Kremlin. Mais le tsar, refusant de s’incliner, fit incendier la ville. La Grande Armée, à peine sortie d’Espagne, dut reculer et se perdit dans l’hiver de la « retraite de Russie ».
Cela prouve, comme
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