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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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salle où étaient entassés les morts. Au fond, je remarquai sur le sol en béton de petits cristaux bleu-gris. Ils étaient disséminés sous une ouverture pratiquée dans le plafond. À cet endroit il y avait un grand ventilateur dont les ailes tournaient en vrombissant. Dans le coin où se trouvaient les cristaux il n’y avait pas de cadavres, les corps étaient entassés plus loin, au voisinage de la porte.
    Le séjour au camp avait déjà sensiblement dégradé ma santé. La sous-alimentation et la faim m’avaient affaibli, mes pieds étaient enflés et irrités par le port des grossières galoches. Dans le climat de persécution qui régnait ici, il était normal d’aspirer à un peu de repos. Je suivais avec attention le moindre mouvement de Stark, afin de pouvoir reprendre haleine sans qu’il s’en aperçût. L’occasion s’en présenta lorsqu’il pénétra dans la salle d’incinération. Mon regard tomba par hasard sur un coffre à moitié ouvert dans lequel je découvris des vivres qui avaient dû servir comme provisions de voyage. D’une main, je fis semblant de tirer le corps d’un détenu, tandis que de l’autre je fouillais dans le coffre. Je réussis à grappiller des morceaux de fromage et un gâteau à l’huile de pavot, tout en continuant d’épier la porte. Je cassai le gâteau avec mes mains sales et souillées de sang, et je le dévorai rapidement, comme aurait fait une bête de proie. Je trouvai encore le temps d’avaler un morceau de pain, avant que Stark ne revint. La récupération des vêtements ne lui sembla sans doute pas satisfaisante car il nous força, avec des cris et des coups, à travailler plus rapidement. Au bout d’une heure, nous avions dévêtu peut-être une centaine de corps. Ils étaient étendus nus et ils pouvaient être incinérés. Dans un coffre, je trouvai une boîte ronde de fromage au nom de « Liptovsky Svaty Mikulas », et dans un autre plusieurs boîtes d’allumettes avec l’étiquette « Slovenske zapalsky ». Je me mis à détailler les visages des morts et j’eus un sursaut en reconnaissant une ancienne camarade d’école. Aucun doute, c’était Jolana Weis. Autrefois, à Sered, ma ville natale, son grand-père m’avait administré le bain rituel juif, la Mikwe. Non, je ne rêvais pas, j’avais bien reconnu le visage de la jeune fille. Afin de m’en assurer je lui pris la main, car je savais que, depuis son enfance, elle avait une main déformée : il n’y avait aucun doute, c’était bien elle. Je reconnus encore une autre défunte : Rika Grünblatt, notre ancienne voisine à Sered. La plupart des morts portaient des vêtements civils, mais on remarquait aussi quelques uniformes ; ces uniformes portaient deux larges bandes rouges et les lettres noires « S.U. », signalant des prisonniers de guerre soviétiques.
    Entre-temps, Fischl avait nettoyé les grilles. Les six fours étaient déjà allumés ; Stark donna l’ordre d’y traîner les corps nus. De son côté, Fischl allait d’un mort à l’autre et fourrageait dans les bouches avec une tige de fer pour rechercher les dentiers en or. Lorsqu’il en trouvait, il les arrachait avec une pince et les jetait dans une boîte en fer-blanc. Après avoir été dépouillés, les morts devenaient la proie des flammes et ils étaient transformés en fumée et en cendres. Stark ordonna la mise en route des ventilateurs. Un détenu appuya sur un bouton, et ils se mirent en marche. Un peu plus tard, on les débrancha après que Stark se fut assuré d’un regard dans les fours que la combustion se faisait normalement. À son commandement « tout le monde aux fours », chacun de nous exécuta la tâche qui lui était fixée. Il n’y avait pas d’autre issue pour moi, d’autre chance de survivre, ne fût-ce que quelques jours, sinon quelques heures. Je devais convaincre Stark que j’étais capable de faire tout ce qu’il attendait d’un travailleur au crématoire. Je résolus d’exécuter tous ses ordres comme un automate.
    Après avoir surmonté le premier choc, je commençai par examiner mon nouveau cadre de vie. Dans le local d’incinération, il y avait deux fours à gauche et quatre à droite. Au milieu, des rails d’une quinzaine de mètres couraient dans une tranchée peu profonde. Une plaque tournante, roulant sur cette voie principale, desservait six voies secondaires d’environ quatre mètres, aboutissant chacune à un four. Cette plaque tournante était

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