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Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz

Titel: Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Filip Muller
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pitié. Ils ne faisaient qu’augmenter sa rage et sa fureur. Morawa matraquait sans relâche, frappait comme un sourd sur les mains et sur la tête de ses victimes, parfois jusqu’à ce qu’ils tombent morts. Le nombre de ses « collaborateurs » se réduisit ainsi en peu de jours de huit à six. Les détenus abattus étaient remplacés par de nouveaux déportés vigoureux, choisis dans un convoi récent.
    Morawa se distinguait des autres détenus, non seulement par sa cruauté sadique, mais aussi par sa tenue soignée. Il portait toujours un uniforme net, taillé sur mesure et changeait de chemise chaque jour. En le voyant parler posément, presque amicalement, avec son collègue polonais ou avec les dirigeants du camp, nul ne pouvait se douter que cet homme était un dangereux meurtrier. Il entretenait en particulier de bonnes relations avec Lorenz, un Unterscharführer, l’adjoint du chef de la Gestapo Grabner. Avec sa moustache noire à la tzigane et son âge assez avancé, Lorenz donnait une impression d’affabilité débonnaire. Il connaissait parfaitement le polonais et il parlait dans cette langue avec Morawa. Celui-ci l’appelait familièrement, presque amicalement, dziadunio, ce qui veut à peu près dire « grand-papa ». Lorenz apparaissait au crématoire presque chaque jour, parfois plusieurs fois dans la même journée, pour s’assurer que Morawa et ses hommes appliquaient bien les directives de la section politique dans l’organisation de son travail. Il faut croire que Mietek Morawa remplissait ses fonctions à l’entière satisfaction de Lorenz, car ce dernier lui témoignait des égards surprenants.
    Après chaque démonstration de sa force et de son autorité, Morawa relevait le numéro d’identification du détenu qu’il avait battu à mort et il se rendait dans le plus proche baraquement de la Gestapo pour rendre compte de la diminution de son effectif ; il demandait alors le remplacement de ses victimes. Au début, un S.S. venait régulièrement procéder à la constatation de la mort du détenu. Mais bientôt, personne ne se dérangea plus. Les S.S. lui faisaient entièrement confiance.
    L’extermination des hommes par les gaz n’était pas la seule méthode d’exécution collective utilisée à Auschwitz. Un autre mode de liquidation en masse, dont je fus souvent le témoin, près du mur noir du bloc 11, était alors pratiqué dans la chambre à gaz du crématoire, que nous dénommions la « salle des cadavres ». Lorsqu’il s’agissait d’anéantir des convois de peu d’importance, moins de 200 personnes, on n’utilisait pas le gaz. Morawa et ses deux aides polonais conduisaient l’une après l’autre les victimes jusqu’au mur en bois de la salle aux cadavres, et là on leur immobilisait la tête avec une griffe de fer. Les S.S. de service leur tiraient alors une balle dans la nuque avec une arme insonorisée de petit calibre. Lorsque des juifs étaient assassinés de cette façon, Morawa n’en avait cure ; il les conduisait calmement et posément au lieu d’exécution. Mais lorsqu’il s’agissait de Polonais, il avait les larmes aux yeux. Après l’exécution de compatriotes, il devenait à moitié fou, tremblait d’émotion et nous criait avec colère : « Sales juifs ! vous êtes responsables de la mort de citoyens polonais ! » Il se précipitait alors sur un détenu juif et il le rouait de coups de matraque jusqu’à ce que le pauvre diable tombât mort. Ilczuk et Lipka tentaient parfois de ramener Morawa à la raison et de le calmer. Mais leurs efforts demeuraient vains. Finalement, ils renoncèrent à intervenir, craignant que leur chef ne retournât sa colère contre eux.
    On a du mal aujourd’hui à comprendre comment le caractère de nombreux détenus finissait pas s’altérer complètement dans le contexte où nous vivions. Ni l’intelligence ni la culture ne nous protégeaient contre une déformation de notre personnalité, et le cas du jeune étudiant de Cracovie était un exemple typique de cette vulnérabilité.
    J’appris par la suite à quel concours de circonstances Morawa devait sa « promotion » de chef d’équipe. Avant d’être affecté au crématoire, sa tâche consistait à nettoyer les bicyclettes des S.S. de la section politique. Il avait su alors se faire remarquer par son zèle et sa soumission et inspirer confiance au chef de la section de la Gestapo.
    On incinérait dans les fours crématoires les corps des

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