Trois Ans Dans Une Chambre à Gaz D'Auschwitz
dissimulaient depuis plusieurs heures dans un étroit réduit souterrain, au-delà du réseau de barbelés, mais à l’intérieur du secteur des patrouilles de surveillance qui s’étendait loin du camp. Ce refuge avait été creusé à 200 mètres sur la droite de la route conduisant aux crématoires, dans la zone dite « Mexico ». Cette appellation remontait au printemps de 1944, alors que des prisonniers simplement revêtus de couvertures en provenance du Canada étaient parqués dans un terrain vague du secteur III du camp. Ils offraient un spectacle bigarré assez curieux dans ce vaste espace permettant de rassembler des milliers de prisonniers. Quelques camarades, mis au courant du plan d’évasion et qui travaillaient dans ce secteur à la construction de baraquements, avaient recouvert de planches le trou dans lequel s’étaient réfugiés les deux hommes et avaient ensuite répandu de la terre par-dessus. Le terrain alentour avait été arrosé de pétrole et imprégné de tabac afin que les deux fugitifs ne soient pas débusqués par les chiens policiers. Cette précaution leur avait été conseillée par des prisonniers de guerre soviétiques.
Dans le camp, tout le monde connaissait la signification du hurlement de la sirène : des détenus venaient de s’enfuir. On pouvait l’entendre à des kilomètres de distance, avec son mugissement strident qui se prolongeait trois fois de suite pendant dix minutes, avec de courtes interruptions. Dans les secteurs B. II et B. II du camp où étaient internés Alfred Wetzler et Walter Rosenberg, on avait remarqué leur absence au moment de l’appel et on avait aussitôt déclenché l’alarme.
Les deux hommes affrontèrent des heures pénibles. Pendant trois jours et trois nuits consécutifs, ils durent rester dissimulés dans leur cachette exiguë et sombre, le temps d’attendre le retrait de la grande chaîne des patrouilles de surveillance S.S., après l’arrêt des recherches. Ils n’étaient pas pour autant sauvés, car entre-temps une autre tentative d’évasion avait été signalée, et la chaîne des patrouilles maintenue à l’extérieur pendant trois journées supplémentaires. On espérait seulement qu’ils pourraient subsister dans leur cachette sans être découverts et sans y étouffer.
La direction S.S. du camp avait fait prendre des mesures drastiques pour prévenir d’autres évasions. La partie intérieure du camp où séjournaient les prisonniers était entourée par un double réseau de fils de fer barbelés d’environ 5 mètres de hauteur et parcouru par un courant électrique à haute tension. Ce secteur était surveillé par de nombreuses sentinelles S.S. armées de mitraillettes, postées principalement dans les miradors. Elles constituaient le réseau de surveillance dénommé petite chaîne des corps de garde, qui était retirée le jour lorsque la plupart des détenus travaillaient à l’extérieur et qu’ils étaient entourés par le réseau dit grande chaîne de surveillance. Celle-ci restait en place jusqu’au soir, lorsque tous les détenus étaient de retour du travail.
Donc, en ce jour d’avril 1944, dès l’aube, des recherches fébriles furent entreprises pour retrouver les deux fugitifs.
Des S.S. surexcités, des kapos et des doyens de bloc exploraient le moindre coin, mettaient sens dessus dessous les baraquements des détenus, fouillaient dans les magasins et dans les ateliers, exploraient même les lavabos et les latrines.
Le terrain à l’extérieur des barbelés était également soumis à un ratissage systématique. Les S.S., tenant leurs chiens policiers en laisse, passaient également au peigne fin le secteur « Mexico » où se trouvait le refuge des deux hommes près des chantiers de construction : ils furetaient dans le matériel entreposé dans cette zone, entre les briques, les sacs de ciment, les planches et dans les fondations.
Le lendemain matin, je constatai avec satisfaction que les recherches étaient demeurées vaines. Mon espoir en la réussite de l’évasion augmentait d’heure en heure. S’ils parvenaient à s’échapper définitivement, j’étais sûr qu’ils mèneraient à bien la mission dont ils étaient chargés. À mon grand soulagement, le troisième jour des recherches étant écoulé, la grande chaîne des corps de garde reprit, le soir, ses emplacements habituels. Mon espoir s’affirmait. J’attendais en effet beaucoup du succès de cette évasion :
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