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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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ce qu’elle avait avancé, sembla ingurgiter la nouvelle comme un
brouet difficile à avaler. Sefoba arrondit les yeux et la bouche :
    — Tu l’as trouvé, tu l’as vu ?
    — Je l’ai vu.
    — Bien sûr ! Quelle hypocrite tu
fais, Tsippora ! Hier tu nous ordonnes de ne rien dire à notre père, de
laisser l’Égyptien en paix : le pauvre, il ne faut pas que nous troublions
son mystère. Mais toi, tu n’attends pas même le jour pour lui courir
après !
    — Je lui ai porté de la nourriture. Et
à boire. C’est tout.
    — Ah ! Quelle bonté !
    — Je l’ai remercié de ce qu’il avait
fait hier. Orma rit, d’un rire qui mit le feu aux joues de Tsippora.
    — Où est-il ?
    — Là où il est.
    — Oh… susurra Orma avec dédain. Ne me
dis rien, non ce n’est pas la peine ! Notre père lui aussi veut remercier
l’étranger. Il n’attendait que ton retour pour savoir où aller le chercher.
    — Que lui as-tu raconté ?
    — La vérité. Je ne suis pas comme toi.
Je ne dissimule rien sous de grands airs.
    *
    * *
    Jethro était allongé sur sa couche, là où
Tsippora l’avait laissé la nuit précédente. On avait disposé autour de lui quelques
coussins supplémentaires. Il faisait très sombre dans la pièce et sa chevelure
blanche brillait comme un bloc de chaux. Il gardait les paupières closes et les
mains croisées haut sur la poitrine. Les doigts vifs d’une jeune servante lui
massaient le ventre à travers le lin léger de sa tunique tandis qu’une autre,
si âgée que son visage n’était plus qu’un faisceau de rides, préparait une
tisane sur le seuil de la pièce.
    De temps à autre, sans que l’on sût si
c’était l’effet de la souffrance ou du soulagement, un bref murmure fusait
entre les lèvres du sage de Madiân. Les mains de la jeune servante
adoucissaient leur effort, ses yeux guettaient le visage de son maître, n’y
décelant que la pâleur excessive d’un vieillard aux entrailles brouillées.
    Ni l’une ni l’autre n’interrompirent leur
ouvrage lorsque Tsippora approcha. Regardant, avec un peu de répulsion, suinter
le liquide brun que la vieille domestique expurgeait d’un linge gonflé, elle
patienta avant de pénétrer dans l’obscurité de la pièce. Lorsque la vieille lui
accorda enfin le passage, Jethro devina le mouvement dans l’ombre qui
s’épaissit encore sur ses paupières. Il ouvrit les yeux en grand, les sourcils
froncés. Ses lèvres frémirent sur un soupir de contentement.
    — Te voici enfin de retour, ma fille.
    — Bonjour, mon père.
    — Laisse-le d’abord boire sa tisane,
intervint la vieille servante. Vous parlerez après. La tisane ne doit pas
reposer, sinon elle perd son effet.
    Sans ménagement, elle repoussa sa jeune
compagne, plaçant d’un geste plein d’autorité le bol de bois entre les mains de
Jethro. Il se mit sur son séant en grommelant, considéra à peine la mixture
avant de la boire d’une traite. L’œil fixe, il tendit le bol vide.
    — Bah !… fit-il avec dédain.
    La vieille gloussa sans complaisance.
    — Que crois-tu ? Qu’Horeb va te
rajeunir les viscères en un clin d’œil ?
    Elle réunit son attirail dans un panier.
    — Dans un moment ça ira mieux, et ce
soir tout à fait bien, annonça-t-elle d’un ton qui n’admettait aucune
protestation. La prochaine fois, avant d’ingurgiter ce que tu ne connais pas,
demande-moi.
    Jethro s’abstint de répondre. Ses doigts
parcheminés effleurèrent la cuisse de la jeune servante.
    — Cela suffit pour toi aussi, petite.
Tes mains sont bénies par Horeb.
    Alors que l’une et l’autre disparaissaient
dans la lumière éblouissante de la cour, les rideaux fripés des paupières de
Jethro retombèrent. Il palpa le côté de sa couche pour trouver la main de
Tsippora, qu’il enserra avec fermeté.
    — Réba m’a fait goûter une mixture
d’Orient. Une sorte de goudron que l’on fait brûler sur les braises et dont on
respire la fumée. Il paraît que si l’on s’y prend bien cela procure toutes
sortes d’images dans la pensée, les goûts, les odeurs et les objets deviennent
différents. Peut-être n’ai-je plus l’âge, ou que l’on s’y soit mal pris pour la
préparation…
    Un petit rire fit disparaître sa bouche
dans la neige soyeuse de sa barbe pour se transformer aussitôt en une grimace
qu’il acheva, du bout des lèvres, en un soupir :
    — Les sensations que j’ai, je les
connais très bien. Il me semble

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