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Tsippora

Tsippora

Titel: Tsippora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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protéger ses yeux du soleil
et mieux la regarder.
    Elle eut honte d’avoir envie de fuir. Ne
disait-elle pas à ses sœurs qu’il fallait apprendre à affronter son
destin ? Mais, en vérité, elle n’eut pas vraiment le choix. Ses pieds
refusaient de bouger.
    Lui, il sourit. Il ôta la main de son front
dans un petit geste de salut et s’approcha.
    *
    * *
    Longtemps et souvent, dans les jours, les
semaines puis les années qui suivirent, Tsippora se souvint de cet instant-là.
Il ne fut sans doute ni si bref ni si surnaturel qu’il lui parut d’abord.
    Moïse était devant elle qui mourait de
peur, terrifiée d’être de nouveau incapable, comme la veille, de prononcer un
seul mot. Là, maintenant, elle regardait les lèvres de Moïse comme si elle
allait en arracher ses propres phrases. Au lieu de cela, elle se rendait compte
qu’au puits d’Irmna elle n’avait pas prêté attention à l’ourlet de sa bouche
dans la barbe naissante, au lobe de ses oreilles, à l’irrégularité de ses
paupières, l’une plus basse que l’autre sur les yeux. Son nez, ses pommettes
hautes, elle s’en souvenait. Et, bien sûr, elle demeura silencieuse.
    Lui, il l’observait. Moins surpris à
présent, le visage ouvert, les sourcils un peu levés, s’attendant à ce qu’elle
donne la raison de sa présence.
    Elle avait oublié le coffre et les
bracelets d’or, mais la pensée du vertige qui l’avait saisie en le regardant
nager lui serrait la poitrine comme une menace. Il était impossible que cette
émotion n’eût pas laissé de traces sur son visage.
    Voilà ce que Moïse devait voir. Tsippora
n’aimait pas cette image. Image d’une femme éblouie par la présence d’un homme,
par la vue de son corps. Image qu’il devait bien connaître, qui ne devait pas
présenter grand intérêt pour lui. Combien de femmes, déjà, avaient manifesté ce
stupide ahurissement ? De belles Égyptiennes, des reines, des servantes… Elle
était furieuse contre elle-même.
    Mais, l’eût-elle voulu, elle n’avait
d’autre image d’elle à montrer.
    Moïse parut approuver son silence. Il eut
un petit hochement de tête et alla déposer sa pêche près du four. Il souleva la
pierre qui recouvrait le feu, retira le jonc des joues des poissons et le brisa
en morceaux de longueurs égales. Il les disposa sur les pierres, en travers du
foyer, et plaça les poissons dessus. Il s’inclina pour gratter un peu les
braises, qui se mirent à fumer doucement.
    Tsippora était soulagée. Mais qu’il
s’occupe ainsi de ses poissons, alors qu’elle était là, chez lui, l’offusqua.
Pas pour longtemps. Moïse se releva et lui adressa un sourire.
    — Ils vont cuire très lentement,
dit-il. Ensuite, je peux les garder longtemps.
    Moïse parlait des poissons, mais le regard
qu’il promenait sur Tsippora frémissait comme une harpe dont les cordes
allaient rompre.
    Alors elle se redressa, s’efforçant de
tenir la tête haute, puis elle s’adressa à Moïse, lentement, pour qu’il la
comprenne bien :
    — J’ai craint que tu ne manques de
nourriture, c’est pour ça que je suis venue. Tu n’as pas de troupeau. Ni
personne pour… Mais si tu sais pêcher… Je n’ai pas pensé à ta couche. Il te
manque un tissu et une natte neuve… Je n’y ai pas pensé… La vérité, c’est que je
ne suis pas venue seulement pour la nourriture. Je voulais te remercier… Pour
hier. Je te dois…
    Elle s’arrêta. Le temps de trouver les mots
pour qualifier ce qu’elle lui devait.
    Moïse suivait ses gestes et les anneaux de
sa chevelure qui se répandaient sur ses épaules telles des plumes noires, il
jeta un regard au sac et à la jarre, mais reporta vite les yeux sur les lèvres
de Tsippora pour bien comprendre ce qu’elle disait.
    Il attendait qu’elle achève sa phrase. Elle
ne l’acheva pas.
    Ils entendirent le ressac et respirèrent le
parfum des braises de térébinthe auquel se mêlait l’odeur des poissons. En un
mouvement très naturel, Moïse s’approcha de Tsippora, à la limite du soleil et
de l’ombre, à deux coudées du vide.
    Elle avala une bouffée d’air et dans son
souffle vint l’odeur de Moïse. Il sentait le sel de mer. Elle le vit croiser
les bras, comme il arrivait à Jethro de le faire. Cette fois, elle songea aux
bracelets d’or et au rêve.
    — Je suis content. J’entends ta voix,
dit Moïse, avec son accent, sa lenteur, ses hésitations, hochant la tête à
petits coups. Hier, tu n’as rien

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