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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’exception de quelques mots chuchotés par le vieillard à l’oreille de sa belle-fille, à la suite desquels, avec un regard effaré, elle s’éclipsa en compagnie de sa fille. À l’exception aussi des grâces finales clôturant le repas.
    Ce fut Gilles qui, le premier, rompit le silence tandis que l’on quittait la table, en remerciant son hôte pour la nourriture et l’hospitalité reçues.
    — Vous nous avez accueillis à votre table comme des amis, et pourtant vous ne savez rien de nous, pas même nos noms !
    Pour la première fois, un léger sourire flotta sur les lèvres sévères du vieillard.
    — L’hôte, envoyé de Dieu, est toujours un ami dans cette maison. Quant à votre nom… ajouta-t-il avec une étrange inflexion.
    Il s’interrompit, prit dans un coin de l’âtre une torche résineuse qu’il plongea dans les flammes au moment précis où les deux femmes reparaissaient. Il leur jeta un coup d’œil rapide.
    — Est-ce fait ?
    — Oui, Père. Vos ordres sont exécutés.
    — C’est bien.
    La torche flambante fermement tenue dans son poing noueux, il se tourna vers ses hôtes.
    — Suivez-moi, Messieurs. Je vais vous conduire à votre chambre. Vous n’y serez pas bien… mais vous y serez chez vous.
    Sans plus s’expliquer il se mit en marche, sortit de la maison et, levant haut la torche, d’un geste plein de majesté il traversa la cour, se dirigeant droit sur le logis seigneurial à travers les fenêtres duquel rougeoyait à présent le reflet d’un feu. La porte vermoulue s’ouvrit en criant sous sa main, découvrant une salle lourdement voûtée, des piliers assez épais pour soutenir une cathédrale, une majestueuse cheminée armoriée dont l’écu, simplement écartelé, fit battre plus vite le cœur de Gilles. Un tronc d’arbre y flambait…
    La salle n’avait aucun meuble. Simplement trois tas de paille fraîche recouverts de blanches peaux de mouton. Et puis, devant une fenêtre, l’accueil d’un bouquet : les derniers genêts et de brillantes branches de houx dans un grand pot de bronze.
    Gilles, Batz et Pongo, celui-ci chargé des sacoches des deux gentilshommes, s’avancèrent dans cette salle aussi lentement, aussi précautionneusement que dans une église. À mi-chemin, le chevalier se tourna vers le vieil homme :
    — Votre petit-fils avait parlé d’une grange. Ceci est le logis du maître…
    — En effet ! Ne vous ai-je pas dit que vous seriez chez vous ? Tout à l’heure, Monsieur, vous vous êtes étonné que je ne m’enquière point de votre nom. Mais ce nom, je l’ai connu dès la minute où vous êtes apparu dans ma maison. Vous êtes, n’est-ce pas, le dernier des grands Tournemine ? Et moi, seigneur, je suis votre serviteur… trop heureux de voir enfin revenir le descendant des anciens maîtres, des vrais maîtres !
    Lentement, il ôta le grand chapeau noir que les hauts paysans bretons ne quittent jamais et, s’agenouillant, il prit la main de Gilles et la porta respectueusement à ses lèvres. Vivement, le jeune homme s’inclina, prit le vieillard aux épaules pour l’obliger à se relever et l’embrassa, les larmes aux yeux.
    — C’est vrai. Je suis Gilles de Tournemine. Mais comment avez-vous su ?…
    — Il y a une vingtaine d’années, un homme est venu ici. Il s’appelait Pierre de Tournemine et il partait pour un long, un très long voyage dont il espérait rapporter assez d’or pour racheter ce château où, depuis le XVI e  siècle, aucun mâle du nom de Tournemine n’avait vécu. Le propriétaire d’alors, le baron Louis-François de Rieux, se trouvait par hasard au château mais il n’a pas daigné recevoir ce parent lointain et visiblement pauvre qui lui arrivait. C’est moi, alors simple garde-chasse, qui l’ai reçu dans ma maison des bois où il a pleuré, de honte et de colère. Oui, seigneur, j’ai vu pleurer cet homme qui vous ressemblait… comme un père ; j’ai vu pleurer devant moi, pauvre homme, le dernier descendant du redoutable Gerfaut et j’ai pleuré avec lui. Mais il s’est vite repris : « Je reviendrai, Joel Gauthier, sur la mémoire de mes pères, je jure que je reviendrai et que je reprendrai ce fief que le ventre des femelles a égaré dans des nids étrangers. » Ce soir, quand je vous ai vu, j’ai compris qu’il était revenu…
    — Non, soupira Gilles, il n’est pas revenu ! Il est mort, loin d’ici, sur la terre d’Amérique, devant une ville qui

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