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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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grave, cependant, était l’affaire des bouches de l’Escaut intervenue au mois d’octobre entre l’empereur Joseph II, frère de la Reine, et les Pays-Bas qui avaient tiré sur un brigantin autrichien tentant de forcer la sortie du fleuve. Tout de suite on avait fait des préparatifs de guerre et tandis que l’Empereur levait une armée de 80 000 hommes, la France, protectrice des Pays-Bas, envoyait deux corps d’armée aux ordres du prince de Condé, en Flandre et sur le Rhin. Alors, Marie-Antoinette, oubliant qu’elle était reine de France et manœuvrée depuis Vienne par son frère par le truchement de l’ambassadeur autrichien Mercy-Argenteau, avait exercé sur Louis XVI un indigne chantage au sentiment, exigé de lui qu’il retirât ses troupes et convainquît les Pays-Bas de faire des excuses à l’Autriche et même participât financièrement à l’indemnisation.
    De garde aux appartements du Roi, quelques jours plus tôt, Tournemine n’avait rien perdu des imprécations de la Reine et de la scène violente qu’elle avait faite au comte de Vergennes, farouchement hostile naturellement à une politique aussi inféodée à l’Autriche, allant même jusqu’à exiger une démission que Louis XVI heureusement lui avait refusée.
    Bien entendu, l’officier avait enfermé au fond de son cœur les paroles entendues et la profonde tristesse qu’il en avait ressentie mais Versailles était une sorte de moulin ouvert à tous les vents et, le soir même, la nouvelle de cette scène courait vers Paris, envahissait les salons et les places publiques. Un cri avait jailli alors, dans le tumulte d’un café, une insulte qui, désormais, allait coller à la Reine comme la tunique de Nessus et jusqu’à l’heure de sa mort :
    — À bas l’Autrichienne !
    Cette fois, force était à l’épée de Tournemine de rester au fourreau. Comment s’en prendre à un peuple entier… surtout quand ce peuple a raison ? Mais son instinct d’enfant de la vieille terre bretonne lui faisait sentir qu’un orage allait venir et que le trop bon, mais hélas trop timide Louis XVI aurait besoin d’un rempart solide d’hommes fidèles et de dévouements inconditionnels pour lutter et défendre son trône.
    Ce roi dont ils connaissaient la bonté, la générosité, la piété, l’honnêteté et la culture profondes, Gilles et Ulrich-August brûlaient à présent de le défendre, au besoin contre une épouse abusive et capable de se servir de l’amour qu’elle inspirait sans le rendre pour mieux se dévouer aux intérêts de la Maison d’Autriche.
    — Peut-être avons-nous le goût des causes perdues, disait Gilles. Je n’aime pas jouer les oiseaux de mauvais augure mais j’ai peur que les folies de la Reine ne mènent le Roi aux abîmes. Elle sait, cependant, combien ses ennemis, Provence ou Orléans, sont à l’affût de son moindre faux pas pour l’amplifier et s’en faire des armes ! Pourtant elle accumule les erreurs et les défis. Elle est intelligente, cependant…
    — Non, coupa Winkleried. Elle a de l’esprit, du charme, de l’éclat… mais elle n’est pas vraiment intelligente sinon elle ne demeurerait pas enfermée dans Versailles tandis que l’hiver ravage les campagnes et cause tant de misères ! Elle sera la seule reine de France qui n’aura jamais mis les pieds hors de Versailles et Paris…
    Les premiers jours de décembre, en effet, l’hiver s’était abattu sur Paris comme une malédiction, un hiver qui promettait d’être aussi rude et aussi meurtrier que le précédent. Une neige épaisse, charriée par un vent glacial, enveloppait toutes choses et y demeurait attachée, sans fondre si peu que ce soit « en attendant de l’autre ! » comme disaient les paysans. Les vieillards et les malades mouraient dans les galetas sans feu, les oiseaux aussi dans les gouttières ou sur la terre gelée qui refusait aux animaux toute nourriture. Des loups avaient même fait leur apparition dans les bois de Marly. Le Roi, qui distribuait continuellement de larges aumônes, leur avait donné la chasse et en avait tué deux avec cette habileté qui confondait ses courtisans. D’où ce myope qui ne reconnaissait pas un familier à dix pas tirait-il cet étonnant coup d’œil ?
    — C’est un vrai chasseur, disait Gilles. Il sent le gibier et il n’a presque pas besoin de le voir.
    Il s’était levé et, le billet rose au bout des doigts, allait vers la fenêtre pour le relire comme si

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