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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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les esprits se déforment. L’éclat de la royauté et la splendeur des palais couvrent trop de menées tortueuses, de pensées sordides, de complots sinistres… Tu n’imagines pas à quel point parfois j’ai envie de retourner en Virginie !
    — Alors, n’hésite pas ! Retournes-y !… Moi, j’y retournerai un jour ! Écoute… ajouta-t-il en baissant la voix, l’histoire qui a failli te coûter la vie je ne la connais pas mais je sais que tu t’es fait des ennemis, ou tout au moins un ennemi puissant ! Le Roi est un faible, il ne saura pas te défendre longtemps contre cet ennemi et ta casaque de Garde du Corps ne te servira pas de cuirasse. Retourne là-bas où tu as laissé une légende, des amitiés puissantes. Tu auras des terres, une situation et surtout tu seras un homme libre…
    — Je sais, soupira Gilles. Mais il y a le devoir. Celui d’un soldat est de défendre son roi, non d’être défendu par lui ! Et j’ai grand peur que le mien n’ait besoin de tous ses soldats avant longtemps !
    Dans le salon tiède d’Aglaé, embaumé par les énormes lilas mauves provenant des serres de Bagnolet, les nouvelles arrivaient toutes fraîches, apportées avec les dernières neiges d’un hiver qui ne voulait pas mourir et les premières bourrasques d’un printemps qui n’arrivait pas à naître. Des pluies diluviennes s’abattaient journellement sur le royaume tandis qu’un brusque réchauffement de la température accélérait la fonte des neiges, créant un peu partout de dramatiques inondations, augmentant la misère, faisant renaître un peu partout la colère et la haine…
    Quand on apprit, à Paris, que la Reine avait enfin réussi à faire acheter Saint-Cloud par le Roi, ce fut une flambée de fureur. Les clubs et les cafés, les loges maçonniques et les faubourgs soufflèrent le feu et la tempête, les libellistes se déchaînèrent avec plus de violence que jamais cependant qu’avec les six millions de la vente, et ceux tirés de ses équipages de chasse vendus au comte d’Artois, le duc d’Orléans faisait achever ses Galeries du Palais-Royal. On porta les Orléans aux nues, on traîna la Reine dans la boue et quand le 27 mars, cent un coups de canon tonnant sur Paris annoncèrent que Marie-Antoinette était heureusement accouchée d’un fils, il n’y eut pas de véritable liesse, pas de cris de joie et d’explosions d’enthousiasme comme en avait déchaîné la naissance du Dauphin, quatre ans plus tôt.
    Paris, d’ailleurs, avait la fièvre. Désireux de se concilier l’Église, le comte de Provence et le baron de Breteuil avaient obtenu une lettre de cachet contre Beaumarchais et le trop heureux auteur du Mariage de Figaro était allé réfléchir à Saint-Lazare, la prison des voyous et des mauvais garçons, sur les inconvénients que l’on éprouve à s’attaquer à un archevêque de Paris, Mgr de Juigné, maladroitement chansonné par lui. On ne lui avait pas donné le fouet comme cela se pratiquait pour les nouveaux pensionnaires mais c’était tout juste. Il n’y était resté heureusement que cinq jours mais, à peine sorti, s’était hâté de se faire consoler par les amis de la Reine. On lui avait promis que son Barbier de Séville serait joué à Trianon et que la Reine elle-même jouerait le rôle de Rosine… Ce qui constituait un désaveu flagrant d’un ordre du Roi.
    Mais Paris s’était aussi trouvé un médecin. Le comte Alexandre de Cagliostro s’était installé rue Saint-Claude au Marais dans le bel hôtel d’Orvilliers qu’avait fait louer pour lui son protecteur le cardinal de Rohan. Le succès qu’il y rencontrait était immense et rejoignait celui qu’avait connu jadis le fabuleux comte de Saint-Germain. On disait qu’il faisait de l’or, des diamants, qu’il possédait un élixir de jeunesse éternelle, qu’il pouvait guérir n’importe quelle maladie, qu’il prédisait l’avenir et cent autres choses encore… Des foules se pressaient à sa porte.
    Alors, Gilles ne vécut plus que dans l’attente du jour où il serait assez fort pour quitter l’Hermitage et pouvoir, lui aussi, rendre visite à cet homme dont la principale valeur à ses yeux tenait en bien peu de mots : il savait où était Judith…
    Cependant, à mesure que les forces revenaient à son pensionnaire, le charmant visage d’Aglaé s’assombrissait et, un matin d’avril, alors qu’ils faisaient, ensemble, au jardin une courte promenade en profitant

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