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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gil Courtemanche
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une de ses coiffeuses, c’est comme mourir seul et sans affection. La coiffeuse acquiesça et fut volontaire pour faire bander une dernière fois ce jeune homme qui avait rendu folles toutes les jeunes filles de Kigali. Elle porterait cependant des gants pour présenter ses derniers respects sexuels. Elle était séropositive, et elle le savait, mais elle ne voulait pas le devenir deux fois. Elle s’assit à côté du corps maigre, tout près de la maman qui tenait toujours la main de Méthode. Sa main gantée fouilla sous le drap et découvrit un petit sexe tout rabougri qu’elle commença à caresser comme jamais elle ne l’avait fait, toute putain qu’elle fut, tout expérimentée qu’elle crût être. Avec une délicatesse, une lente douceur qui tenait autant de l’adoration manuelle que du respect. « Fais-lui un grand plaisir, ma fille, avant qu’il parte pour le ciel », dit la mère. Et Mathilde sut que la main ne suffirait pas. Elle devait faire ce qu’elle avait toujours refusé aux clients européens si insistants ; le ciel n’était pas à portée de la main mais de la bouche. Les amis posèrent leur verre, Agathe avala rapidement son canapé et, tous, ils se regroupèrent religieusement autour du lit, retenant leur souffle et admirant. C’est la mère qui tira le drap et qui défit la ceinture de la robe de chambre. C’est la mère qui posa la main sur la tête de Mathilde, qui la poussa délicatement entre les deux os qui faisaient office de jambes et qui dit : « Suce-le, suce-le pour qu’un dernier jus de vie sorte de lui. » Et Mathilde prit dans sa large bouche le membre inerte, le mania de sa langue et de ses lèvres. Comme on modèle sur un tour de l’argile, sa patiente succion redonnait une apparence de forme au sexe du mort vivant. Méthode murmura : « Je n’ai plus de sexe, je n’ai plus de sperme. Ta langue est comme un serpent qui m’ensorcelle, mais ma langue est encore vivante, laisse-moi te boire. » Mathilde, sans dire un mot, se déshabilla et, soutenue par la mère et Raphaël, appliqua son sexe sur la bouche de Méthode. Épuisée, repue, satisfaite, épanouie, tremblante, elle s’écroula sur Méthode, qui poussa un grand cri de douleur.
    La fête était terminée. Élise resta pour administrer la mort, mais surtout pour aimer Méthode jusqu’à la dernière seconde. La mère repartit vers sa colline. Elle ne voulait pas voir son fils mourir et souhaitait qu’il s’envole l’esprit tranquille, sans qu’il ait en plus à supporter la tristesse de la dernière séparation. Méthode dormait. Valcourt installa la caméra face au lit dans une position qui prendrait le mourant en plongée. À son réveil, la caméra ne ferait qu’un mouvement lent, un plan-séquence. Elle resterait fixée sur le corps longiligne durant cinq secondes, puis, durant cinq autres secondes, elle remonterait lentement jusqu’au visage, et enfin durant cinq secondes encore, elle se rapprocherait lentement, très lentement, comme dans une marche funèbre, et s’immobiliserait. On ne verrait alors qu’un gros plan du visage aminci et l’énormité des yeux qui parleraient plus que la bouche.

5
    Gentille est venue cinq minutes avant de prendre son service à six heures du matin. Elle n’a pas frappé. Elle est entrée et s’est dirigée vers Valcourt assis sur le lit à côté du cadavre de Méthode.
    — Mes condoléances, dit-elle en lui tendant la main.
    — Merci. Vous n’êtes pas trop fatiguée ?
    — Non, ça va. Vous savez, je crois que je suis peut-être parente avec Méthode. Mes parents et les siens viennent de la même colline. Il est tutsi, je suis hutue, mais ça ne veut rien dire.
    Valcourt n’écoutait pas vraiment, perdu dans ses seins qu’elle avait juste à la hauteur de ses yeux. Il voulut dire : « Gentille, je vous aime. » Il voulut avancer la main, il voulut se lever, la prendre dans ses bras. Il n’en fit rien. Elle repartit sans ajouter un mot.
    Avec un mètre que Zozo lui avait apporté, il mesura Méthode et partit pour le marché aux cercueils qui partageait les abords d’une caserne avec le marché de ferraille. Les fabricants de cercueils ne suffisaient plus à la demande. Jusqu’à tout récemment, ils fabriquaient des lits, des tables et des chaises, mais le marché de la mort, alimenté par les grenades, les fusils et le sida, connaissait une croissance remarquable. Valcourt choisit le bois avec soin : de belles planches blondes

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