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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gil Courtemanche
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l’amour des Blancs.
    — Je ne peux t’enseigner que le mien. Et parfois, il est bien noir.
    Une femme terrorisée se mit à hurler dans la chambre voisine. Puis ils entendirent le bruit d’une bousculade, d’autres cris stridents et des chaises renversées sur le balcon et enfin un « non » prolongé et aigu qui s’éteignit dans un bruit sourd. Sur l’auvent en métal qui recouvrait le bar de la piscine gisait le corps de Mélissa, la plus laide et la plus maigre de toutes les prostituées de l’hôtel.
    — Ah, la vache ! La dégueulasse ! Elle s’est jetée juste pour m’emmerder.
    Un gros Belge nu gesticulait sur le balcon voisin. Autour de la piscine, quelques paras en mal de bronzage levèrent la tête. Deux touristes cessèrent de nager, puis reprirent leur crawl étudié. Gentille criait : « Mélissa ! Mélissa ! » Valcourt dit : « Tu veux encore que je t’enseigne l’amour des Blancs ? » Mélissa râlait trois étages plus bas sur l’aluminium brûlant. Gentille hurlait. « Il a voulu la tuer. Appelez la police ! » Le ventripotent protestait : « Juste une pute soûle, une sale pute. »
    Gentille eut beau crier, Valcourt parlementer et menacer, la direction de l’hôtel n’appela jamais la police. Le chef de la sécurité de l’ambassade de Belgique, qui déjeunait au bar de la piscine, prit les choses en main. Son collègue, expliqua-t-il, avait été agressé par une pauvre prostituée qui voulait le voler, il s’était défendu et le malheureux accident était survenu. L’ambassade, où l’on savait vivre, s’occuperait de la malheureuse et acquitterait tous les frais d’hôpital. L’énorme barrique de bière titubante qui promenait sa petite virgule de pénis dans le corridor acquiesçait à chaque parole de son supérieur, qui conclut en disant à Valcourt : « Monsieur, vous avez tous les mauvais amis qu’on puisse avoir ici. Vous prenez des risques… Et puis, dites-moi, pourquoi ne laissez-vous pas ces gens à leur destin ? »
    À l’hôpital, ils parcoururent tous les pavillons, enjambèrent les grabats et les nattes, décrivant Mélissa au personnel. À l’urgence, ils insistèrent en haussant la voix. Aucune Mélissa n’avait été admise au CHK aujourd’hui.
    On ne retrouva jamais le corps de Mélissa. Le gros Belge passa deux jours à l’ambassade puis rentra dans son pays. Au bar, une autre fille qui attendait depuis des mois la permission d’entrer en action l’avait remplacée. Le lendemain de l’incident, dont on ne parlait déjà plus, Valcourt et Gentille se rendirent au bureau des procureurs de la république pour déposer une plainte. Le procureur en chef adjoint les reçut, par respect pour Valcourt, citoyen d’un pays donateur et surtout neutre, comme le Canada, un pays qui ne posait pas de questions et qui donnait les yeux fermés, un pays parfait, quoi.
    En quelques mots, Valcourt exposa les faits, insistant pour dire que le corps avait disparu après que des membres du service de sécurité belge eurent promis de le transporter à l’hôpital. Pourquoi ne pas les interroger ? Où était le consultant belge ? Le haut fonctionnaire l’interrompit d’un geste ample des deux mains, comme un curé qui s’apprête à bénir ses ouailles ou à prononcer un long sermon. Le représentant de la république comprenait la démarche du Canadien, mais…
    « Nous aussi, même si nous la pratiquons depuis moins longtemps que vous, nous cherchons la voie vers une plus grande démocratie. Nous aussi, nous croyons en l’État de droit et le pratiquons, bien qu’avec parfois des particularismes qui peuvent surprendre mais qu’il faut respecter. Vous faites appel à cet État de droit et vous nous faites confiance. C’est une marque de respect envers notre démocratie dont je me réjouis. De toute évidence, vous n’êtes pas victime de la propagande de ces cancrelats tutsis qui abusent de notre généreuse république. Encore que je me sois laissé dire que vous avez de curieuses fréquentations, que vous êtes un ami de ce Raphaël de la Banque populaire qui donne ses sœurs aux Blancs pour en retirer des avantages. Vous avez aussi organisé les funérailles plutôt spectaculaires d’un certain Méthode qui, avant de mourir, a tenté de détruire l’économie touristique de ce calme pays en évoquant l’épouvantail d’une maladie qui existe si peu ici que nos citoyens n’en connaissent même pas le nom. Je vous le dis

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