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Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Un Dimanche à La Piscine à Kigali

Titel: Un Dimanche à La Piscine à Kigali Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gil Courtemanche
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son rappel, faisait face à un problème insoluble. Il se perdait en explications sur son arrivée avant-hier, sur ses valises qui avaient pris le chemin de Mombassa, sur l’ambassade du Canada qu’on lui avait abandonnée parce que c’était jour de tournoi de golf au Club. Il regrettait de n’être pas venu hier le saluer, lui, monsieur Valcourt, un membre aussi éminent de la communauté canadienne au Rwanda, d’autant qu’il s’occuperait des relations avec la presse et que monsieur Valcourt était un grand journaliste dont il avait vu les reportages et lu les articles. La petite, qui avait commencé à pleurnicher un peu avant l’arrivée du jeune diplomate, avait résolument adopté le mode du hurlement. Un langage simple et direct : « J’ai faim, j’ai très faim », hurlait la petite, qui n’avait pas de nom parce que Cyprien n’avait pas pris la peine de la présenter à ceux qui deviendraient ses parents.
    « C’est votre fille ? » demanda Jean Lamarre, incapable de ne pas faire une allusion quelconque à la source de ces cris qui perçaient les murs et dérangeaient les fainéantes qui parcouraient la piscine d’une brasse paresseuse. « Oui, c’est ma fille… et je vous présente ma femme, Gentille. » Gentille défaillit presque en apprenant qu’elle était désormais la femme de Valcourt et qu’ils formaient une famille.
    — J’ai reçu un appel de la morgue du CHK. Je ne sais pas ce que c’est, le CHK. On m’a demandé de venir identifier le cadavre d’un citoyen canadien, un certain frère François Cardinal qui aurait été assassiné, selon la police, par des voleurs. Je vous demande de venir avec moi pour procéder à l’identification. La gendarmerie, que j’ai jointe m’a dit que vous le connaissiez très bien.
    Non, Valcourt ne le connaissait pas très bien, mais suffisamment pour identifier son cadavre. « En passant, le CHK, c’est le Centre hospitalier de Kigali. » Valcourt quitta à regret le seul pays qu’il s’était juré de sauver pour celui qu’il s’était résolu à abandonner à son destin. La petite (à qui il faudrait bien donner un nom, pensa Valcourt en partant) hurlait de plus belle dans les bras de Gentille qui ne savait trop quoi faire, elle qui en si peu de temps était devenue épouse et mère, n’ayant fait l’amour qu’une fois avec son mari et n’ayant rencontré le père de sa fille que durant quelques minutes. Elle offrit un de ses seins fermes et pointus dans l’espoir que quelque liquide en sortirait. Ici, on nourrissait les enfants au sein jusqu’à l’âge de deux ou trois ans. Les lèvres et les dents naissantes de la petite reconnurent instantanément le mamelon. Les hurlements cessèrent aussitôt. Mais, pour le plus grand malheur de la petite, nulle goutte de lait ne sortait de ce sein qui se durcissait et se hérissait pour le plus grand plaisir de Gentille, qui ne connaissait pas ce genre de caresse et qui en parla à Valcourt dès son retour. Et il existait sûrement d’autres secrets dans ce corps qu’elle portait sans en connaître les subtilités, mais que personne encore n’avait exploré avec autant de nécessité que la petite. L’enfant abandonna le téton stérile et se remit à crier. Gentille ouvrit un petit pot de purée pour bébé, mais l’enfant fit la moue. La petite ne connaissait encore que les seins de sa mère. Gentille descendit chez Agathe. Elle y trouverait bien parmi ses filles un sein humide, sinon un biberon. Au salon de coiffure, toutes les filles qui débordaient de lait furent volontaires. Pour ne pas faire de jalouses, Gentille proposa qu’elles nourrissent l’enfant chacune son tour, ce qui fut accepté dans un grand enthousiasme, des applaudissements et des rires triomphants. Pour les nuits, le biberon ferait bien l’affaire.
     
    Le jeune diplomate, dont c’était le premier poste et qui aurait dû ce jour-là visiter des maisons avec sa jeune femme enceinte de sept mois, avoua que cette visite inopinée à la morgue ne l’amusait pas beaucoup.
    — Voilà ce que c’est, monsieur, que d’être diplomate au Rwanda et de ne pas jouer au golf. Mettez-vous-y au plus vite. Sinon, vous serez de toutes les corvées. Après la morgue, les enterrements, la pose de la première brique de maisons qu’on aura détruites avant même qu’on ait terminé de les construire, la leçon de français dans une école dont le Canada vient de financer la rénovation et puis les

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