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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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sous l’insulte et sa main glisser sur le pommeau de sa courte épée acérée, mais l’homme se ravisa et éclata de rire en regardant autour de lui. La tension se relâcha alors et tous retournèrent à leurs tâches, sans plus prêter attention, apparemment, aux nouveaux venus.
    Corbett et Ranulf durent traverser la cour, monter un étroit escalier de pierre menant au premier étage du donjon et pénétrer dans la grand-salle, haute de quelque trente pieds. Son opulence de mauvais aloi stupéfia Corbett : le mur sud s’ornait d’une vaste cheminée au manteau de pierre massive ; le conduit, supposa Corbett, devait traverser l’épaisse muraille pour déboucher à l’extérieur. Des arcatures de plein cintre d’environ huit pieds de large allaient en se rétrécissant pour former les embrasures de petites fenêtres carrées ornées de corne extrêmement fine. La charpente, certes, se composait de poutres noircies, mais en pendaient d’immenses tentures multicolores – certaines déchirées, d’autres pas – tandis que des tapisseries aux teintes incroyablement variées et contrastées, représentant les scènes de l’Ancien Testament, recouvraient les murs chaulés. Au bout de la grand-salle, sur l’estrade, trônait une table de chêne luisante où l’on avait posé une salière d’or incrustée de pierreries et de beaux candélabres d’argent qui, soupçonna Corbett, avaient dû faire autrefois l’orgueil d’une église anglaise. On y avait allumé des bougies de cire vierge tandis qu’au mur les torches de poix crachotaient dans leurs supports rouillés. Le sol était couvert de joncs fraîchement coupés, et Corbett respira le parfum de la bruyère et de la menthe écrasée que l’on y avait répandues.
    La salle était vide à l’exception de deux joueurs d’échecs installés près du feu, à une petite table sur tréteaux. Tassés sur leurs chaises sculptées et emmitouflés dans leurs capes, ils étaient tout entiers au jeu. Près d’eux, un faucon pèlerin s’agitait constamment sur son perchoir en bois, agacé par les jets {11} et la sonnette attachée à sa patte, et parcourant la pièce de son regard perçant et impitoyable. Le chef de l’escorte poussa doucement Corbett devant lui. Celui-ci alors traversa la salle à grands pas, étudia le jeu et déplaça une pièce. Les deux joueurs levèrent la tête. L’un était un jeune homme blond aux yeux couleur de bleuet, au teint pâle et aux lèvres roses comme celles d’une jeune fille. L’autre, un brun râblé aux yeux marron, avait des cheveux châtains qui lui tombaient sur les épaules et formaient un contraste saisissant avec sa barbe et sa moustache noir de jais ; quant à ses traits, ils étaient aussi aigus et cruels que ceux du faucon. Le plus jeune pouffa de rire, car le coup de Corbett avait mis en péril les pièces de son adversaire, mais ce dernier se leva et dévisagea Corbett d’un air revêche.
    — Qui êtes-vous ? demanda-t-il d’une voix étonnamment basse et douce.
    — Hugh Corbett, clerc à la Cour royale de justice et envoyé d’Édouard I er .
    Son interlocuteur eut un geste bref de la tête et aboya des ordres en gallois. Un serviteur s’étant empressé d’apporter un tabouret, il fit signe à Corbett de s’asseoir, lui servit du vin et se présenta avec superbe comme étant Lord Morgan. Corbett salua et se mit en devoir de l’étudier tout en appréciant la saveur du bordeaux. Le Gallois avait fière allure avec ses anneaux d’or aux oreilles, un torque d’argent au cou, des améthystes aux doigts et des bracelets. Il portait un surcot bleu nuit doublé de pure laine d’agneau, mais il n’échappa pas à Corbett que son vêtement, comme sa chemise de batiste blanche, était maculé de taches. De son côté, le Gallois jaugeait soigneusement l’envoyé anglais en sirotant sa boisson.
    — Owen s’est-il bien occupé de vous ? demanda-t-il en désignant d’un signe de tête le capitaine de l’escorte.
    — Oh, certes oui ! Owen est quelqu’un qui aime la plaisanterie.
    — Pourquoi s’en plaindre ? Nous, Gallois, avons si peu d’occasions de nous réjouir !
    — Auriez-vous quelque sujet de mécontentement, Lord Morgan ?
    — Non, Corbett ! répliqua sèchement Lord Morgan. Ce ne sont que des remarques, pas du mécontentement ; j’ai le droit d’en faire dans mon château, j’espère !
    Il regarda son compagnon avec colère.
    — Bien sûr ! renchérit le

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