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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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lancer une réplique appropriée. Il se retourna en entendant Ranulf s’étrangler de rire derrière lui et lui lança un regard furibond en dissimulant sa totale stupéfaction : il avait bel et bien été muselé par une femme entrevue l’espace d’un instant.
    Corbett et Ranulf n’eurent pas le choix et durent rester à Neath. Lord Morgan les fit conduire à leurs quartiers, une chambre située au troisième étage du donjon, aux murs chaulés et meublée de deux lits de camp, d’un coffre en piteux état, de bancs et d’une table d’une propreté douteuse. Corbett se plaignit amèrement du froid et de l’absence de feu, aussi Morgan ordonna-t-il – de mauvaise grâce – de mettre des vantaux aux fenêtres étroites comme des archères et d’apporter un brasero rouillé et un candélabre de fer. Corbett et Ranulf n’auraient su dire s’ils étaient prisonniers ou invités ; ils pouvaient se promener en toute liberté dans le château et les environs, mais c’est dans le donjon qu’ils passaient le plus clair de leur temps.
    Ce donjon comptait trois étages au-dessus du rez-de-chaussée qui abritait les cuisines, la laiterie et les resserres. Au premier se trouvait la grand- salle où Corbett avait rencontré Lord Morgan, au deuxième, les appartements privés, la chapelle et la salle haute’, tandis que le troisième était réservé à de petites chambres glaciales qui sentaient le renfermé, « chambres » étant un bien grand mot pour des réduits à peu près aussi confortables que des cachots.
    C’est là que résidaient Corbett et Ranulf, en haut d’un étroit escalier à vis envahi par la moisissure et c’est là, également, qu’habitait Owen, le capitaine des gardes. Corbett évitait soigneusement ce Gallois brun dont les cheveux frisés et embroussaillés encadraient un visage blafard barré d’un perpétuel rictus ; il voyait en lui quelqu’un de foncièrement mauvais. Il avait déjà rencontré ce type d’hommes : des tueurs qui aimaient la mort et étaient imprégnés de son odeur de pourriture.
    Les autres serviteurs de Lord Morgan vivaient dans les sous-sols du donjon, les communs ou les villages alentour. Corbett sentait bien que ce tyranneau avait gagné la loyauté indéfectible de ses tenanciers et de ses vassaux. Sa richesse était évidente ; la vallée de Neath et les champs fertiles des environs lui assuraient des revenus réguliers. C’est lui, également, qui détenait les droits de pêche le long de la côte rocheuse battue par le ressac, ce que proclamait bien haut une rangée de potences chargées de charogne humaine ; les macabres silhouettes se détachant sur le ciel bleu d’été étaient autant d’avertissements sinistres aux pirates et naufrageurs, aussi bien qu’aux voleurs et aux braconniers.
    Corbett contemplait souvent le domaine de Morgan du haut du donjon ; sur ce perchoir majestueux et silencieux, il savourait la caresse du soleil et les brises marines chargées de sel qui changeaient agréablement de la puanteur des latrines et des pots de chambre qu’on vidait dans les douves. Le clerc avait essayé d’en savoir plus sur la mort de David Talbot, mais n’avait rencontré que regards vides et sourires polis ; quand il insistait, ses interlocuteurs se mettaient à parler gallois comme s’ils ne comprenaient pas ce que racontait l’Anglais. Aussitôt qu’il sortait dans la cour, Gareth, le faible d’esprit, lui emboîtait le pas et marchait à ses côtés, singeant sa démarche au grand amusement des spectateurs. Corbett ne faisait généralement pas attention à lui.
    Pourtant, un jour qu’il le questionnait sur Talbot, il crut discerner une lueur d’intelligence, de compréhension, dans le regard du vieillard qui, clignant des yeux et souriant d’un air rusé, s’enveloppa dans ses oripeaux et prit Corbett par la main pour l’emmener dans l’un des bâtiments en torchis de la cour. L’Anglais jeta un coup d’oeil circulaire dans la longue pièce sombre, où seules la porte et une ouverture dans le toit laissaient entrer la lumière. Il sentit l’odeur du cuir, de la sueur et du crottin, et vit des selles, rênes, licous, étriers et autres pièces de harnachement accrochés à des barres sur toute la longueur des murs. Il se retourna et croisa le regard embué de Gareth.
    — Et Talbot ? Qu’est-ce que tout cela a à voir avec Talbot ? lui demanda-t-il, mais Gareth se contenta de lui adresser un rictus édenté avant de

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