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Un espion à la chancellerie

Un espion à la chancellerie

Titel: Un espion à la chancellerie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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obscure. Ils s’approchèrent de la courtine, écoutant la rumeur lointaine des vagues et les bruits de la cour en contrebas.
    — Cela fait longtemps que je joue aux échecs, expliqua Maeve en rompant le silence. Je vis ici avec mon oncle depuis la mort de mes parents pendant la guerre. Les finesses de ce jeu m’ont souvent fait oublier l’ennui de journées interminables.
    — Vous êtes très bonne joueuse, la complimenta-t-il.
    Tournant le dos à la muraille, Maeve leva les yeux vers Corbett. Malgré le peu de lumière, il vit l’expression paisible et sereine de son visage ; sa fausse solennité avait disparu.
    — J’ai lu quelques traités, y compris le poème De Shakie Ludo1 reprit Maeve. J’ai toujours plaisir à rencontrer de nouveaux invités, qui sont autant d’adversaires avec qui me mesurer.
    — Vous savez lire, donc ?
    — Le latin et le français.
    Corbett regarda dans les ténèbres qui s’épaississaient.
    — Et vous êtes heureuse, ici, à Neath ?
    — C’est chez moi !
    — Et Lord Morgan ?
    Maeve lui sourit.
    — C’est un homme bizarre. Vous savez qu’il déteste les Anglais ?
    Corbett opina du chef, mais elle détourna le regard.
    — Comment s’en étonner ? Ils ont tué mes parents, mis à feu et à sang la moitié du pays de Galles, tué nos princes, édifié de gigantesques forteresses comme celle de Caernavon et fait de nos royaumes des comtés anglais dirigés par des parents d’Édouard.
    Corbett ne put que le concéder. Il avait fait la guerre au pays de Galles et avait été le témoin d’actes de barbarie et de cruauté, perpétrés des deux côtés : hommes crucifiés, enfants jetés dans des puits, femmes violées et tuées, prisonniers anglais écorchés vifs ou cloués aux arbres.
    — Et vous, nous haïssez-vous, Maeve ? demanda-t-il.
    — Non, je ne déteste que votre soif de destruction et de conquête, souffla-t-elle en contemplant la nuit. Le sud du pays de Galles a vu d’étranges choses : on dit que cette route en contrebas menait à Camelot, le royaume du roi Arthur, et on raconte aussi qu’au coeur des forêts survivent encore les Silures, d’anciennes tribus qui se nourrissaient autrefois de chair humaine et offraient des sacrifices à de sinistres dieux sylvestres.
    Maeve s’emmitoufla dans sa cape et désigna la côte.
    — Et pourtant, c’est l’océan qui nous apporte des choses encore plus mystérieuses, comme des cadavres de petits hommes à la peau sombre. Les sages disent qu’ils viennent d’une terre qui se trouve à l’ouest.
    Corbett s’avança vers les créneaux, un sourire aux lèvres. Il saurait assez vite pourquoi elle l’avait attiré ici. Aucune jeune femme ravissante, raisonnait-il cyniquement, n’aurait normalement eu envie de se trouver seule avec lui. Il y avait certainement une bonne raison ; elle devait vouloir quelque chose de précis. C’était toujours comme cela ! Il sentit alors qu’elle lui pressait fermement le coude ; il se retourna et vit son visage, beau comme la nuit, levé vers lui. Elle se blottit contre lui et l’embrassa doucement sur les lèvres, avant de disparaître.
    Corbett n’avait pas l’habitude d’avances aussi directes de la part des femmes : son épouse Mary, peut-être, ou encore sa maîtresse Alice, une criminelle morte depuis dix ans, à la personnalité complexe, tout en subtilités et en ambiguïtés. Maeve, elle, était naturelle, calme et franche. Le lendemain, elle revint vers lui et ils reprirent leur conversation et leurs baisers.
    Corbett la soupçonna d’abord d’être chargée de le surveiller et de rapporter ses faits et gestes, mais il écarta vite ces pensées : ce n’aurait pas été digne d’elle. Elle lui dit sans fard que malgré son côté solennel et pompeux, il l’amusait beaucoup, car c’était au fond un timide, un peureux, qui devait apprendre à sourire plus souvent. C’est ce qu’il fit les jours suivants lorsque, à la suite de Maeve, il parcourut la campagne environnante d’une beauté sauvage.
    Elle entreprit de lui apprendre des mots gallois, mais y renonça vite en raillant son esprit trop grossier pour une langue si subtile. Puis elle l’amena à évoquer son passé : son épouse, son travail à la Chancellerie, et même Alice et le grand complot de Londres qu’il avait fait échouer de façon magistrale dix ans auparavant.
    Méfiant au début, il en vint vite à bavarder comme un enfant, fasciné qu’il était par

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