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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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céder.
    — Le loger, aussi. Mais une paillasse dans vos combles suffira.
    C’était de trop. Il brandit ses mains épaisses, blanchies par le plâtre, comme s’il repoussait le diable.
    — Oubliez-vous que le collège fit appel à vos services ? tenta le père jésuite.
    — J’ai bonne mémoire, se décida son hôte en gonflant sa solide carcasse. Assez pour croire que mon travail fut apprécié et payé à son prix juste, et…
    — Je l’ai dit, l’interrompit le jésuite. Ce n’est pas une affaire d’argent.
    Passe-Muraille s’approcha :
    — Je sollicite la charité chrétienne.
    La bonne conscience du maçon en prit un coup. Comment se défiler en usant d’un tel argument ? Il allait affirmer que, sur ce sujet, il n’avait rien à se reprocher, quand le prêtre continua :
    — Vous souvenez-vous du jeune garçon qui ne vous quittait pas pendant vos travaux ?
    Pontgallet cherchait.
    — Un gamin plutôt taciturne dont le visage était barré par une cicatrice.
    Le visage d’en face s’éclaira :
    — Il était toujours dans mes pieds… Comment s’appelait-il ?
    — Delaforge.
    — Oui, oui, murmura Pontgallet tandis que sa barbe s’écartait pour laisser passer un semblant de sourire. Toussaint Delaforge.
    — Et n’en pensiez-vous pas du bien ?
    — Dame ! oui, bredouilla-t-il en se sentant piégé.
    — Il vous répétait qu’il voulait devenir maçon, et je crois même architecte.
    — Il ne l’a pas fait en sortant de Montcler ?
    — Deux ou trois impondérables ont retardé ce dessein, esquiva le visiteur, féru de casuistique.
    — Je devine que son bras en moins en fait sans doute partie… Mille regrets, mon père, mais si vous dirigez la maison du Seigneur, je connais mon affaire quand il s’agit d’édifier celles des hommes. Il ne peut devenir bâtisseur. Il lui faut renoncer à ses projets.
    L’argument était imparable. Le maçon reprenait le dessus.
    — Montrez-lui comment toiser ou dessiner des plans. N’est-ce pas ainsi que l’on devient architecte ?
    — Vous oubliez le temps, mon père. Ce métier s’apprend avec patience. Croyez-vous que l’on puisse sauter les étapes et faire fi des méthodes séculaires ?
    — Combien demandez-vous pour former un apprenti ? rompit Calmés, formé à l’excellentissime méthode qui consiste à se défausser d’une question gênante en s’intéressant à une autre.
    — Vingt livres, lui répondit son interlocuteur à mi-voix.
    — C’est une somme, rétorqua le préfet de discipline sur un air de reproche.
    — Je ne suis pas un ingrat, s’assombrit l’entrepreneur. L’accord marche dans les deux sens. Je paye mon manœuvre dix-huit sols par jour. De plus, il est nourri. Autant d’avantages que je ne peux offrir à quelqu’un qui me serait inutile.
    — Je vous donnerai le double, mais gardez votre langue.
    — Ah non ! Je n’en veux pas. Ni de lui ni de votre or.
    — Vous prendrez les deux, lança sèchement Passe-Muraille .
    Pontgallet ne manquait pas de courage, mais l’intransigeance de la soutane l’impressionnait. La peur de déplaire à un soldat de Dieu le faisait hésiter. Comment dire non sans compromettre son âme et ses bonnes relations avec le monde ecclésiastique ?
    — Tentez un essai, s’adoucit Calmés. Six mois. Je viendrai vous voir, et si ça ne va pas…
    Six mois, se disait le brave homme. Un arrangement. Six mois seront vite passés, et il le logerait dans les combles pour le surveiller.
    — Trois mois, céda-t-il brusquement, décidant que l’épreuve qu’on lui imposait raccourcirait peut-être son temps au purgatoire.
    — Soyez béni.
    — Et je ne demande rien. Si ça va, on continue. Sinon…
    — Dieu vous en rendra grâce.
    — Ne me remerciez pas, mon père. Je ne prends aucun sou et ainsi, je suis libre. Au premier écart…
    — Je réponds de lui, s’avança le jésuite de Montcler.
    — Vous en êtes le garant. S’il ne s’y fait pas, je viendrai aussitôt me plaindre au collège. À vous, et au Père supérieur.
    Et Calmés se garda de lui dire combien lui-même se mettait en danger.

    Goulot humide où la lumière entrait peu, la rue de la Mortellerie n’avait rien de séduisant. Mais Pontgallet ne l’aurait jamais quittée, tant il s’y sentait chez lui. C’était son royaume et celui des siens, de son épouse Marguerite, née Talédot, de son fils, Jean, de sa fille, Anne, tous deux âgés de plus de dix-huit ans. Cette maison, Nicolas Pontgallet l’avait

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