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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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était vivant. Il avait juré de revenir pour lui construire sa maison, qu’ainsi elle n’habiterait plus jamais chez les autres, à la grâce de Dieu, à la merci d’une mauvaise récolte ou d’un loyer de retard. Et elle avait souri, répétant que son père était fier de son fils, même s’il était absent, car il s’en allait loin, cueillir, biner, vendanger, faire le miséreux pour quelques deniers qui manquaient cruellement en hiver. Nicolas était parti, se retournant cent fois et levant le bras jusqu’à ce que la colline qu’on appelait ici le Pas de la Mule engloutisse la silhouette de sa mère et celle des trois petites sœurs accrochées à ses jupes. Il avait écrit. Peu. Sans obtenir de réponse. Puis il avait enfoui ces images au plus profond de lui, attendant cinq longues années avant de faire le parcours dans l’autre sens.
    En haut de la colline du Pas de la Mule , c’était un après-midi de septembre, il avait aperçu la fumée épaisse du bois de mélèze sortant de la cheminée et ce simple détail lui retournait le ventre. Il avait dévalé la dernière butte, faisant sonner les cent livres enfouies dans sa bourse, et mises de côté pour les donner aux siens. Ce n’était pas assez pour construire une maison, mais suffisant pour offrir des robes, des foulards, et toutes ces choses que les femmes adoraient. Une enfant le regardait approcher d’un air méfiant et lui-même s’alarmait car il ne reconnaissait aucune de ses sœurs. En criant, la petite avait appelé son père et l’homme qui se montrait n’avait rien de commun avec ses souvenirs. Où étaient-ils ? L’inconnu qui occupait sa maison avait montré le cimetière. Deux ans, peut-être. Tous emportés par la fièvre. Il avait pris la suite. Pour combien de temps, racontait sa mine épuisée ? Nicolas Pontgallet avait tiré dix sols de sa bourse afin d’acheter une poignée de ces roses grimpant sur la façade de la maison qui n’appartenait pas à cet homme. Il avait déposé les fleurs sur leur tombe, puis attaqué la colline du Pas de la Mule , sans jamais se retourner.
    — Viendras-tu à notre aide si l’un de nous en fait la demande ?
    Une voix encore, toujours inconnue, l’interrogeait. Il ne put en entendre plus et, sans comprendre ce qui se produisait, sans mesurer ce à quoi il cédait, il se libéra du poids de sa conscience en racontant son histoire aux ombres de la pièce.
    — La seule vraie maison que j’aurais dû bâtir, je n’ai pu la faire, murmura-t-il pour finir.
    C’était immensément douloureux, essentiellement sincère. C’était sa façon de séparer l’accessoire de l’immuable, et il s’imagina qu’après avoir confessé tant de misères ses rêves de maître maçon s’effaçaient. Mais, derrière lui, la clarté revenait, la pièce s’illuminait. Sans résister davantage, il se retourna et vit que chaque bâtisseur tenait entre ses mains une chandelle allumée. Mazière, au premier rang, leva la sienne pour que l’on voie son visage :
    — Nous avons tous connu des épreuves, Nicolas. Maintenant, tu es des nôtres. Tu peux t’appuyer sur chacun de nous, et tous, nous compterons sur toi.
    Il vit alors ses alliés pour toujours. Ils venaient, souriaient et lui tendaient la main. Puis il y eut un banquet. Pontgallet avait faim. Il entrait dans la famille des maçons.

    Il n’existait sans doute pas d’autre mot que celui-ci – famille – pour définir le fonctionnement de cette société solidaire aux règles strictes, arbitrant les conflits et réglant ses affaires. La solidité d’un tel édifice se comparait à celle d’un temple aux colonnes inusables. Tout y était discuté. Contrats, prix, méthodes, savoir, tout s’y débattait. De la sorte, les maîtres des Bâtiments du roi, une centaine d’hommes, gardaient la main sur les travaux commandés par la surintendance du roi. Devait-on craindre les combinazione et d’autres effets pervers d’un système aux apparences opaques et tentaculaires ? Tous ses membres s’en défendaient. Leur chapelle réunissait d’excellents talents qui, guidés par leurs aînés, et au prix de nombreux efforts, parvenaient au sommet de la pyramide et livraient le meilleur d’eux-mêmes.
    — Mais vois-tu combien le parcours est difficile ?
    Chaque instant, Pontgallet le répétait à son nouvel apprenti, Toussaint Delaforge, en prenant son exemple. À douze ans, il cassait la pierre comme le forçat, à seize, il la taillait, à

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