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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Brun, Le Nôtre rêve de servir et il manque un projet à la mesure de Vaux-le-Vicomte, un galop d’essai quand le roi songe à ce qu’il veut et obtiendra. Versailles ? Le maître domestiquera l’hostilité du domaine dont il a hérité comme il le fit pour ce royaume frondeur, menacé dans son enfance par les puissants seigneurs féodaux 2 . Ce n’est qu’en vous montrant grand que vous deviendrez indestructible. Louis était si petit, mais il croit se souvenir que ce sont les paroles de son père quand il mit en fuite le cerf qui les menaçait. Aussi, triomphera-t-il des éléments, des rudesses du territoire. Le vent y est fort, les terres infertiles et marécageuses, la vermine y niche : sa victoire sera plus éclatante.
    Peu à peu, le projet avance, le parc se façonne. Il fallait commencer par lui : ce qui pousse est plus long à venir que ce qui se bâtit. Des courbes naissent, d’autres s’adoucissent. Tantôt, voilà que surgit un bosquet, tantôt de grands arbres plantés rompent la morne linéarité de la plaine. Il y ajoutera des bassins, des bosquets, des allées, des grottes. Il a tout pensé. Maintenant, Louis tourne le regard vers le château de son père. Qu’en fera-t-il ? Comment préserver le passé, et ce qu’il lui doit, sans le détruire ? Il faut créer un palais, immense, accueillant plus encore que le plaisir et les fêtes. Il le voit comme l’élévation d’une nouvelle capitale où tous les pouvoirs, réunis et encadrés, viendraient à lui. À Versailles, il réduira la noblesse, la soumettra à son règne absolu. En parler à qui ? On doutera, on croira ce projet impossible. Personne, pas même son confesseur et directeur de conscience, ne le comprendrait. Alors, le roi se tait, puisqu’il est seul.

    Pauvreté, abstinence, obéissance, le révérend Calmés n’avait jamais transigé avec ces trois vœux, et s’il les respectait tous, il plaçait la soumission aux lois de Dieu au-dessus de tout. Parmi elles, trônait le secret de la confession, absolu, irréfragable, dont la transgression entraînait l’excommunication, c’est-à-dire l’exclusion de la communauté des chrétiens partageant le sang et le corps du Christ. Mais ce n’était pas encore cela qu’il craignait, pas plus que de brûler dans les flammes de l’enfer jusqu’à la fin des temps, balivernes juste bonnes pour le tribunal de l’Inquisition. En revanche, son apostolat se fondait sur le pardon du pécheur, même s’il s’agissait du plus vil des hommes. Jésus avait aimé ceux qui L’avaient accusé et tué à tort. Se prétendre meilleur que le Fils du Tout-Puissant constituait à ses yeux une saine raison d’être excommunié. Il devait entendre, absoudre, et non punir. Ainsi, rompre l’engagement de garder pour lui, à jamais, ce qu’il avait entendu revenait à renoncer à ce qui charpentait sa vie. Si la chose lui semblait impossible, le jésuite enrageait car il n’était pas le Sauveur, mais seulement un de ses sujets, imparfait et soumis à la tentation.
    Ainsi, en baisant l’étole ornée d’une croix, en la passant sur ses épaules, en fermant les yeux, en prononçant les paroles rituelles qui ouvraient la confession de Marolles, il s’était condamné au silence et mesurait depuis son erreur. En cédant à la soif d’apprendre, il avait pris connaissance de faits dont il ne pourrait jamais faire usage. À quoi bon supporter le fardeau d’un aveu s’il n’en tirait aucun avantage ? Était-il stupide ou fallait-il accuser le confessé, un habile manipulateur qui l’avait emprisonné ?
    À présent, Calmés s’en voulait d’avoir écouté sans broncher. Il n’avait fait qu’un signe de croix et béni celui qui maintenant se taisait. Amen . La messe était dite. Le secret était connu et enterré. Il posa l’étole, tourna les talons. Il sortait. Marolles le saisit à l’épaule : — Qu’allez-vous faire ?
    — Prier pour le pécheur.
    — Il vous en sera rendu grâce.
    Ce ton, ces manières mielleuses dégoûtèrent Calmés.
    — Que ferez-vous d’autre ?
    — Je porterai la croix de ce que j’ai entendu.
    Autant de paroles et de serments qui soulageaient Marolles. À l’air qu’il prenait, il était convaincu de s’en sortir. Jamais plus on ne le questionnerait. La confession l’empêchait. Ce fut de trop.
    — Mais prenez garde ! gronda le jésuite de Montcler.
    — Vous êtes tenu par la confession, s’opposa l’autre d’une voix ferme, et…
    — Je le

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