Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
pièce qu’attendait le roi ? Est-ce cela, L’Impromptu de Versailles , chaos et désordre ? Molière tente de réunir les artistes, mais ces bougres traînassent. Ils protestent ! « Je crois que je deviendrai fou avec tous ces gens-ci » , s’exclame le dramaturge. « Eh têtebleu ! Messieurs, me voulez-vous faire enrager aujourd’hui ? » L’un d’eux lui répond : « Que voulez-vous qu’on fasse ? Nous ne savons pas nos rôles. Et c’est nous faire enrager vous-même, que de nous obliger à jouer de la sorte. » Voilà qui est contrariant car le roi est là, en chair et en os, assis au premier rang, tout proche de sa très belle maîtresse, Louise de La Baume Le Blanc, future duchesse de La Vallière.
    Toussaint Delaforge se trouve, au fond, bien loin. Pourtant, il s’étonne de sa bonne fortune. Angélique de Saint-Bastien se serre à ses côtés. Le Vau se montre devant. L’ancien orphelin de Montcler est au cœur de la fête de Sa Majesté Louis XIV. Têtebleu ! comme l’écrit Molière, ce moment vaut le poids de tracas et d’ennuis auquel il doit faire face depuis peu. Allons, se rassure-t-il, la ruse lui réussit toujours et, en songeant aux sujets d’inquiétude qui se bousculent, il voit même dans la pièce de Molière l’illustration de la justesse de ses méthodes. Pour réussir, il faut user d’audace, prendre des risques. N’est-ce pas le cas de Jean-Baptiste Poquelin, attifé d’un sacré toupet quand il avoue que sa pièce n’est pas prête ? Voilà comment s’affirmer : en n’ayant jamais peur, en faisant front, en combattant l’adversité. La preuve point à l’instant. Les comédiens expliquent que le temps manque, qu’il en faut pour écrire et mettre en scène, qu’ils ont été pressés, secoués, bousculés, qu’ils se sont échinés à produire le meilleur pour que la fête soit belle. Ils parlent au nom de tous, de Le Nôtre, de Le Brun, de Le Vau. Louis XIV leur en tient-il rigueur ? Non. Mieux, il sourit et se tourne vers sa favorite afin qu’elle comprenne combien il aime cet instant et regrette de ne pas être encore plus près d’elle. C’est l’art de Molière de dire les choses, mais de les toujours tourner en la faveur du roi. On se plaint depuis la scène, mais, si fait, on ajoute : « Les rois n’aiment rien tant qu’une prompte obéissance, et ne se plaisent point du tout à trouver des obstacles. Les choses ne sont bonnes que dans le temps qu’ils les souhaitent. »
    Ces mots, Le Vau ne cesse depuis des mois de les répéter à Delaforge, et les présents devraient retenir la leçon : Molière est le complice royal. Son message n’est autre que celui de Sa Majesté : obéissez, vous serez récompensés. Le divertissement n’a donc rien de gratuit. Il reflète l’opinion d’un monarque entendant un discours qu’il aurait pu prononcer et qu’un artiste fidèle déclame à sa place. Ce qu’il veut. À l’instant où il dit , quelles que soient les difficultés.
    Les fêtes de 1663 sont voulues ainsi. Ce sont celles d’un prince jeune, détendu, attentif à ses hôtes, et encore accessible. Mais se profile déjà le souverain absolu, celui qui ne supporte pas d’anicroches. Comme pour tout ce qui se produit à Versailles, ses ordres sont impromptus , souvent contraires. Peu lui en chaut. Il exige ce qu’il a obtenu d’un Molière à la fois libre et soumis à la loi du maître. L’alchimie fonctionne, l’obéissance se marie à la légèreté puisqu’il s’agit de séduire, de convertir à Versailles, non pas d’écraser. Ainsi, la manœuvre tourne à l’étourdissement.
    Ce tour de magicien est possible grâce à la cohésion de l’équipe entourant le maître de cérémonie. On voit Molière sur la scène, Le Vau dans la salle, mais il y en a d’autres, placés ici et là, maillons indissociables du projet qui porte Louis XIV depuis qu’il a décidé que Versailles serait le Palais de toutes les promesses . Une telle aventure s’apparente à la guerre et on ne la gagne pas sans soldats, plus encore s’ils sont encadrés d’excellents officiers. Les généraux de Versailles sont au nombre de trois. Ils se connaissent, s’apprécient et ont déjà mené ensemble la bataille de Vaux-le-Vicomte, demeure somptuaire de Fouquet. Le Vau, Le Brun et Le Nôtre forment une équipe soudée. Il faudrait y ajouter les maîtres maçons Villedo et Bergeron.
    La rumeur prétendit que Louis fit arrêter Nicolas Fouquet à cause des fêtes

Weitere Kostenlose Bücher