Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
toits…
    L’ordure commençait son chantage.
    — Après la Contrescarpe, se décida Toussaint, j’ai failli mourir.
    — On est deux. Beltavolo ne m’a pas raté.
    — J’ai toujours pensé que tu m’avais trahi…
    — Et ça ? grogna-t-il en cisaillant l’air avec le pouce. T’as bien vu l’estafilade ! Tous deux, on s’est fait avoir par Beltavolo. Qu’il couche en enfer…
    Il cracha sur le sol.
    — Ton bras ? C’est Beltavolo aussi ?
    — Oui. Il a fallu l’amputer.
    — Mais toi, on t’a bien arrangé. Mordiou, du beau travail, siffla-t-il entre ses chicots jaunis. Et ça doit coûter son pesant d’or…
    — Je suis dans les affaires, répondit sèchement Toussaint.
    — De même, mon frère… De même…
    — C’est à toi ? demanda Delaforge en parlant de l’auberge.
    — Payé comptant. Tu te souviens que j’étais un sacré bon négociateur pour les coupe-jarrets de la Bastille. Eh bien, j’ai repris ma place quand ça a été mieux. Et j’ai fait ce travail pendant trois ou quatre ans. J’ai mis de côté, quoi. Mais parfois, il faut savoir devenir invisible. S’effacer. Faire le mort, ricana-t-il. Les affaires, si tu es dedans, tu sais que c’est compliqué. Versailles, ça m’allait bien. Ni trop près ni trop loin de Paris. Et ça bouge ici, le filon est bon…
    Delaforge ne put s’empêcher de penser à Le Vau qui employait le même mot. Le filon. Le bossu avait toujours eu du nez, et celui-là, personne n’y avait encore touché. L’histoire se précisait, Ravort avait connu une mauvaise passe et, sur ce point, il pouvait le comprendre. Pour éviter d’y laisser une autre vie, il s’était écarté de Paris.
    — Moi aussi, je cherche à placer par ici, se risqua Toussaint.
    — C’est pourquoi tu es venu faire ta fouine. Et pan ! Tu tombes sur Ravort. Pas de chance, mon gars. Pas de chance… Car je n’oublie pas que tu as voulu me tuer autrefois.
    — Alors, nous sommes quittes.
    — Et pourquoi ?
    — Je pense que tu étais vendu à Beltavolo et…
    — Je te jure que non, protesta-t-il – et on pouvait le croire.
    — Écoute, Ravort, s’emporta soudainement Delaforge. Soit on tire un trait sur le passé et j’oublie que tu avais truqué le jeu de cartes, soit tu continues ton numéro. Alors…
    — Quel numéro ?
    — Tes menaces voilées ! Tu veux me dénoncer ? Tu perdras la vie pour de bon. Jamais deux sans trois. Crois-moi, le dicton est plus vrai que tes sept vies !
    — Du calme, l’ami. Je voudrais bien oublier que je t’ai vu, mais je ne suis par certain.
    — Tu veux de l’argent ?
    — Peut-être, grimaça l’autre.
    Bon Dieu ! Ravort le tiendrait ainsi et ce serait pour toujours… Comment aller et venir à Versailles si l’infirme se trouvait dans ses pattes ? Il cédait une fois, c’était à jamais. Non, il fallait le tuer.
    — Je ne suis pas aussi riche que tu le penses.
    — Tu te moques, l’orphelin. Tu me prends pour un âne ! Le bras droit, si je peux dire, de Monsieur Le Vau serait sans le sou ?
    — Comment sais-tu cela ? murmura Delaforge, l’œil noir.
    — Je t’ai déjà aperçu par ici. En avril, je crois. Ton carrosse fait un peu m’as-tu-vu . Pour quelqu’un qui a autant à se reprocher, ce n’est pas malin. Les gens s’ennuient dans ce trou, alors dès qu’on aperçoit une tête nouvelle, on se renseigne. Je n’ai pas eu besoin de chercher longtemps. Tiens, il paraît même que tu te promenais ce matin avec le roi… La servante que tu entends là-haut me l’a dit avant que tu arrives. Et je pensais bien qu’un jour, je te croiserais pour qu’on règle nos comptes une bonne fois pour toutes.
    Il dodelina de la tête comme s’il semblait désolé :
    — Mon état m’a rendu patient, mais il y a des limites. Tu payes et je t’oublie. Tu tentes quoi que ce soit contre moi, dis adieu au beau monde ! Tu finiras pendu parce que les galères ne voudront pas d’un estropié. Je le sais. Pour moi, c’est pareil…
    — Du calme. Je t’ai connu plus malin. Autrefois, tu savais où se nichaient tes intérêts.
    — C’est tout réfléchi, grinça Traîne la patte (et c’était sa façon de rire). Faut que tu fasses un geste.
    Un geste ? Voilà que la menace s’adoucissait.
    — Partage ce que tu voles avec ton ami.
    Partager ? C’était déjà mieux que de se faire rançonner.
    — Pour discuter de ça, commence par rentrer dans ta petite tête tordue que je ne vole rien, rétorqua Delaforge.
    — Et toi !

Weitere Kostenlose Bücher