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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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animaux mis en cage. Qu’en était-il de Toussaint ? À son habitude, il se tenait à l’écart, indifférent à l’humeur générale de cette masse qui semblait avoir oublié le drame de Ravort. Le cas Delaforge demeurait un mystère. Malgré son expérience, Calmés aurait été incapable de choisir le côté vers lequel penchait ce garçon. Le Bien ou le Mal ?
    Des huit années passées en commun, Calmés ne retenait que deux événements majeurs. La punition infligée les premiers jours à cet élève et, ce matin même, son intervention spectaculaire. Pour le reste, quasi rien. Depuis l’épisode où on l’avait soupçonné d’avoir bu le vin de messe et englouti quelques hosties consacrées, il ne s’était jamais fait remarquer, ne montrant ni révolte ni haine à l’endroit de l’école et de ses cadres, et respectant les règles de l’obéissance. Avait-il lié une amitié avec l’un de ses camarades ? Pas à la connaissance du préfet de discipline qui, de loin, gardait l’œil sur lui. Cette admirable constance éveillait l’intérêt de Calmés. Renseignement pris auprès de Chevalier, son régent, l’enquête s’était vite achevée sur la conclusion que l’élève se rangeait dans le camp des taciturnes. Mais le révérend fréquentait trop les rouages secrets de l’engeance humaine pour ne pas imaginer autre chose – comme l’eau dormante, prête à bondir au premier orage. À la fin de la punition qui avait marqué son entrée au collège, ayant constaté que le dortoir avait été lavé selon les règles fixées, que Toussaint Delaforge n’avait réclamé que sa ration de pain noir, qu’il s’était appliqué à tenir une heure chaque jour, jambes pliées et bras tendus, sans rechigner ou se plaindre, le père Calmés s’était rendu à l’évidence. Ce garçon disposait d’une résistance remarquable et d’une solide personnalité, autant de signes qui l’alertaient. Était-ce une forte tête, de celles qui troubleraient l’ordre de Montcler ?
    Delaforge avait été admis au collège grâce à l’introduction de Joseph de Marolles. Calmés se méfiait de ce jésuite qui s’accrochait au confort du marquis de La Place. Sa mission de confesseur attitré lui conférait de multiples avantages, tels que le logement dans une noble demeure et de beaux revenus, si on en jugeait à ses tenues soignées. Bien sûr, Marolles soutenait la cause des plus pauvres en se chargeant des bonnes œuvres du marquis, mais cette cure était sans commune mesure avec celle d’un Calmés partageant la sobre vie des élèves et la frugalité des repas servis aux enseignants. Non, le préfet n’aimait pas Marolles, mais il fallait bien que chacun aille selon ses moyens et ses dons, et Joseph de Marolles était apprécié de sa hiérarchie pour s’être adroitement introduit dans le meilleur des mondes, celui du Louvre. En ce sens, il participait à la mission des ecclésiastiques qui cherchaient à faire entendre la parole de Jésus chez les puissants.
    Joseph de Marolles s’était adressé au Supérieur du collège de Montcler pour que ce dernier admette Toussaint Delaforge. Calmés, par ses fonctions, assistait à l’entretien. Le bureau du Père supérieur ne comptait que deux chaises dont le dossier carré martyrisait le dos. Assis derrière un bureau noirci de brou, sans style et sans fioritures, le docte directeur écoutait Marolles, mains jointes, le regard fixe. Le visiteur occupait le second siège et se tenait jambes croisées, tel un laïc, tête droite, hautaine, l’air à son aise, époussetant machinalement la manche de sa soutane, comme si la fréquentation des lieux faisait craindre le pire à une étoffe trop soyeuse. Debout, en retrait, engoncé dans des vêtements lustrés par les ans, Calmés observait cet autre jésuite expliquer combien le cas de l’enfant lui tenait à cœur. Il en avait fait son filleul, respectant les dernières volontés d’une pauvre fille mère, morte au Pont-Neuf. Il défendait sa cause, celle du garçon, avec l’aisance que lui procurait la fréquentation des riches. C’était un devoir chrétien de venir en aide aux indigents, disait-il, expliquant au Supérieur et au préfet en quoi consistait la charité qu’ils prodiguaient eux-mêmes au quotidien.
    Il y avait tant d’habile plaidoirie, de souci de plaire, de convaincre dans les propos de Marolles que sa sincérité venait à être mise en cause. Quel rapport entretenait-il avec

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