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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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ce garçon, espérant surprendre la vérité.
    En de rares occasions, il croyait l’effleurer, lorsque les traits du pensionnaire se relâchaient, quand son regard s’enflammait et que lui seul décourageait Ravort ou les autres de l’approcher. Oui, il y avait le meilleur en apparence et peut-être le pire sous cette façade stigmatisée par une cicatrice qui ressemblait à l’entrée d’un volcan débordant de lave et prêt à rugir. Calmés l’aurait juré, s’il n’avait craint d’offenser le Seigneur. Et son avis n’a pas changé au cours des huit années. Plus le temps a passé, plus l’enfant devenu jeune homme a bâti une muraille entre lui et le reste. Et ce matin encore, alors qu’il s’affirmait comme jamais auparavant, Calmés s’est convaincu que le torrent, enfoui dans le cœur de Delaforge, ne demandait qu’à jaillir pour s’être tu trop longtemps.

    Les portes du collège de Montcler se sont enfin ouvertes. Les élèves sortent un à un, sous la condition d’être pris en charge par un parent venu en compagnie des siens, et cela donne lieu aux effusions, aux belles retrouvailles. Peu à peu, la cour se vide et il ne reste que quelques attardés qui traînent du pied, jettent des regards inquiets vers la sortie. Les a-t-on oubliés, abandonnés ? Toussaint Delaforge est de ceux qui attendent, mais là aussi, il ne montre aucune émotion.
    Calmés ne résiste pas à l’envie de s’approcher de lui, peut-être dans l’espoir de lui tirer les vers du nez.
    — Personne ne vient vous chercher ?
    Il tente de poser sa main sur la manche de l’élève, une façon qu’il juge adroite pour l’aborder en paix , mais celui-ci fait un geste de côté et, sans que le jésuite s’en aperçoive, serre le poing. Le regard qu’il expédie décourage son vis-à-vis. Il n’en obtiendra rien.
    — N’oubliez pas, murmure-t-il, répétant ce qu’il lui disait au dortoir. Retour à cinq heures…
    Il se voudrait chaleureux, mais sa voix ne peut s’empêcher de rester dure. Au moins, Passe-Muraille ne parle pas de Ravort et de sa promesse d’interroger le pensionnaire sur les événements de la nuit. Je ne vous lâcherai pas . Il l’a dit. Pour autant, Delaforge ne semble pas inquiet. Il se tait et ce silence ne trouble pas Calmés qui a fini par s’y habituer, cessant de juger le mutisme de l’élève comme une injure. Le garçon n’est pas désinvolte. Il ne fait même pas la sourde oreille. Il se comporte ainsi depuis toujours. Bon élève, reclus et solitaire . Voilà ce qu’il conviendra d’écrire sur lui lorsqu’il quittera Montcler d’ici deux ans. Lui reprochera-t-on de ne pas avoir aimé le chant et la liturgie ? De ne jamais avoir exprimé le désir d’être enfant de chœur ?
    « Je ne veux qu’apprendre pour devenir maçon et maître. Et un jour, je serai l’architecte du roi… » Voilà ce que fut son leitmotiv.
    Delaforge s’est écarté. Désormais, il dépasse d’une bonne tête Calmés. Il sera grand, prédit ce dernier. Dieu ! s’émeut-il, Toussaint serait si beau sans cette cicatrice. Le préfet de discipline regrette sans doute de ne pas avoir mieux connu le garçon qui échappera un jour à son influence. Un échec personnel… Mais que n’a-t-il pas tenté pour se rapprocher ? Il se souvient ainsi du temps où il fallut entreprendre la restauration de la chapelle. Le maçon Pontgallet avait bousculé l’organisation séculaire de l’établissement, faisant régner sur les lieux un désordre inhabituel. Il avait fallu vider la chapelle de ses meubles, entasser les bancs, enfermer dans des caisses les statues des saints et celle de la Vierge. Et voilà que Delaforge avait manifesté de l’intérêt pour la communauté. Il s’était proposé pour déplacer les objets lourds, offrant ses services pour venir en aide aux maçons. Il fallait voir avec quel enthousiasme il voulait s’associer à ceux qui démolissaient, et on avait dû freiner son ardeur. Ce n’était pas de son âge. Calmés, puisqu’il connaissait les projets de l’élève, avait fini par l’autoriser à discuter avec Pontgallet. Pourquoi lui refuser cette faveur alors que Toussaint montrait exceptionnellement son désir envers quelque chose ? Et devenir maçon, n’était-ce pas ce qu’il avait exprimé en confession ?
    Architecte du roi ! Un rêve, sourit Calmés. L’orphelin, bâtard de surcroît, n’est d’aucune coterie, d’aucun clan. Mais la règle que s’est imposée le

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