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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Saint-Jacques, s’approchant de la Seine, là où il compte se rendre. En huit ans, Marolles n’a guère changé. Même tête, même maigreur. Peut-être s’est-il tassé, à moins que le pensionnaire ait soudain grandi, rattrapant en taille son parrain. Est-ce cette allure commune qui confère à leur marche le même air de gravité morbide ? Pour la première fois, Toussaint s’interroge sur l’âge de son guide. Il tente de comparer avec Calmés, mais il faudrait tenir compte des vêtements de chacun, les uns soignés, les autres fatigués. De même, Marolles n’a guère les traits usés et son teint est celui de l’homme bien nourri, n’ayant jamais eu à connaître les nuits de Passe-Muraille hachées par les rondes. Il n’a pas cinquante ans, décide-t-il. Dans ce cas, un peu plus de trente quand il naquit. Que faisait-il au Pont-Neuf, la nuit où il fut trouvé ? Le jésuite serait surpris de découvrir que Toussaint connaît une partie de sa vie – du moins celle que son parrain a inventée depuis le premier jour où il le ramena à l’hôtel des La Place. Une histoire qu’il a servie au marquis, à François, Antoine, Aurore, ses trois enfants, et au Père supérieur de Montcler, en présence de Calmés. La suite est affaire de maïeutique – mais au profit du confessé. Lors des entretiens où Passe-Muraille tentait d’ouvrir le cœur de Toussaint, il y eut des échanges, des mots lâchés ici et là qui, peu à peu, éclairaient l’orphelin sans qu’il soit utile de questionner son parrain. D’infimes détails. Mais si importants quand le passé est vide. Le filleul en sait plus que ne le croit Marolles. Et ce qu’il ignore l’intéresse, contrairement à ce qu’il montre.
    — Pas le Petit-Pont, ordonne Toussaint. Je connais. Il conduit à Notre-Dame. Prenons par ce chemin. Allons vers le Pont-Neuf.
    Le jésuite est embarrassé, mais, faute de pouvoir s’opposer, se laisse entraîner vers ce quartier obscur qu’il se garde de fréquenter depuis des années afin de ne pas affronter les souvenirs lui rappelant combien la naissance de Toussaint fut détestable.

    Le Pont-Neuf mérite en effet qu’on s’y rende. Construit par la volonté du roi Henri IV, il relie la rive gauche à la rive droite de Paris par le génie de sa construction harmonieuse, scandée presqu’en son milieu d’un balcon scellé à l’île de la Cité. En ce point, s’élève la statue du bon roi, poignardé par un fanatique. La longueur du pont ajoute à la grâce d’un passage parcouru sans relâche par les porteurs de chaise, les piétons, les voitures 3 . On s’y engage sans distinction de rang ou de titre, mêlé au trafic incessant engendré par la proximité du Louvre et du Parlement. On réclame le passage, bousculant sans vergogne les courtisans richement habillés, les juges en habits noirs, les bourgeois endimanchés, les dignes conseillers du Châtelet tirant par la manche une épouse bonimentée par des fripiers ambulants portant à l’épaule de lourdes caisses en bois où s’amoncelle un bric-à-brac de soieries, et, à ce tohu-bohu général, s’ajoutent les grincements de la pompe de la Samaritaine aspirant l’eau boueuse de la rivière Seine qui alimente le Louvre et les Tuileries. La bâtisse s’élève au-dessus de la deuxième arche du pont, côté rive droite 4 , et son observation permet d’admirer le travail de l’architecte flamand Jean Lintlaër, concepteur de l’édifice et locataire des étages supérieurs. De fait, il en est un peu le gardien, tel celui du phare, car les rouages délicats de la machinerie exigent une attention particulière. Les secrets de sa mécanique se dissimulent derrière une façade en pierre ornée d’une représentation sculptée de Jésus et de la Samaritaine étanchant la soif du Fils de Dieu en offrant l’eau de son puits 5 . Le Seigneur, source de vie, veille sur le destin de l’horlogerie complexe dont le bon fonctionnement assure le confort de la Cour. Sa complexité et ce dessein royal attisent donc la curiosité des Parisiens. Accoudés au rebord du pont, chacun glose en ce beau jour de juin sur la vie de ces entrailles, guettant la moindre anicroche, signe d’un arrêt aux conséquences dramatiques.
    — Le bois craque, dit un habitué, le chapelier Simon Clarentin.
    — C’est mauvais signe, lui répond un homme portant une épée d’apparat et qui semble être le conseiller Thierry de Millard s’en allant au Louvre.
    — Quelque

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