Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
Vom Netzwerk:
certains hommes politiques locaux, ont commencé à venir la nuit en voiture. Souvent j ’ assistais à des réunions jusqu ’ au petit matin et je dormais toute la journée  – ce qui n ’ est pas l ’ emploi du temps habituel d ’ un technicien agricole. Mais bien qu ’ impliqué dans d ’ autres affaires, je me sentais proche de cette petite communauté. J ’ assistais au service le dimanche et j ’ aimais beaucoup le style un peu démodé des pasteurs de Sion qui martelaient la Bible. Peu avant mon départ, j ’ ai remercié un vieil homme d ’ avoir pris soin de moi. Il m ’ a demandé   : « Tu es naturellement le bienvenu, mais kwedeni (jeune homme), s ’ il te plaît, dis-nous ce que veut le chef Luthuli   ? » Cela m ’ a surpris mais j ’ ai immédiatement répondu   : « Eh bien, il vaudrait mieux que vous le lui demandiez vous-même, je ne peux pas parler en son nom, mais d ’ après ce que je comprends, il veut qu ’ on nous rende notre terre, il veut que nos rois retrouvent leur pouvoir, et il veut que nous soyons capables de définir notre avenir et de mener nos vies comme nous l ’ entendons.
    —  Et comment va-t-il s’y prendre s’il n’a pas d’armée   ? » m’a demandé le vieil homme.
    J’avais très envie de lui dire que j’essayais justement d’en constituer une, mais je ne le pouvais pas. Si les sentiments du vieil homme me donnaient du courage, j’avais peur que d’autres n’aient aussi découvert ma mission. Une nouvelle fois, j’étais resté trop longtemps au même endroit et la nuit suivante, je suis parti aussi discrètement que j’étais arrivé.
    44
    Mon adresse suivante tenait plus du sanctuaire que de la planque   : la ferme de Liliesleaf, à Rivonia, une banlieue bucolique au nord de Johannesburg, où je m ’ installai en octobre. A cette époque, Rivonia se composait surtout d ’ exploitations agricoles. Le mouvement avait acheté la ferme et la propriété pour avoir une planque destinée aux clandestins. C ’ était une vieille maison qui avait besoin de travaux et où personne n ’ habitait.
    Je m’y suis installé en prétextant être le gardien qui s’occuperait de la maison dans l’attente du propriétaire. J’avais pris le pseudonyme de David Motsamayi, le nom d’un de mes anciens clients. Je portais une salopette bleue qui était l’uniforme des domestiques. Pendant la journée, des ouvriers, des maçons, des peintres réparaient le bâtiment principal et les dépendances. Nous voulions ajouter de petites pièces à la maison pour qu’un plus grand nombre de gens puissent y séjourner. Les ouvriers étaient tous des Africains venant du township d’Alexandra et ils m’appelaient « boy   » ou « garçon   » (ils ne m’ont jamais demandé mon nom). Je leur préparais le petit déjeuner et du thé dans la matinée et l’après-midi. Ils m’envoyaient aussi faire des courses à la ferme et me demandaient de balayer ou de ramasser les ordures.
    Un après-midi, je leur ai dit que j’avais préparé le thé dans la cuisine. Ils sont venus et j’ai fait le tour avec le plateau garni de tasses, de thé, de lait et de sucre. Chacun s’est servi. Je suis arrivé devant un type qui racontait une histoire. Il a pris une tasse mais il était plus concentré sur son histoire que sur moi et il tenait sa cuiller en l’air tout en parlant, en faisant des gestes sans prendre de sucre. Je suis resté là pendant plusieurs minutes et finalement, exaspéré, j’ai commencé à m’en aller. A ce moment-là, il m’a remarqué et m’a dit sèchement   : « Garçon, reviens ici, je ne t’ai pas dit de partir   ! »
    Beaucoup de gens ont brossé des tableaux idylliques de la nature égalitaire de la société africaine, et si je suis d’accord en général, il n’en reste pas moins vrai que les Africains ne se traitent pas toujours mutuellement en égaux. L’industrialisation a joué un grand rôle en introduisant chez les Africains urbanisés la perception d’un statut commun à la société blanche. Pour ces hommes, j’étais un inférieur, un domestique, un être sans profession et on pouvait par conséquent me traiter avec mépris. Je jouais si bien mon rôle qu’aucun ne me soupçonnait d’être quelqu’un d’autre.
    Chaque soir, les ouvriers rentraient chez eux et je restais seul jusqu’au lendemain matin. J’aimais ces heures de tranquillité mais, presque tous les soirs, je quittais la ferme pour

Weitere Kostenlose Bücher