Un long chemin vers la liberte
murmura : « Verwoerd est mort. » C’est tout. La nouvelle fit rapidement le tour de notre groupe. Nous nous regardions, incrédules, et nous observions les gardiens qui semblaient ne pas être au courant qu’une chose très importante venait de se passer.
Nous ne savions pas comment était mort le Premier ministre. Plus tard, nous avons entendu parler de cet obscur coursier parlementaire blanc qui avait poignardé Verwoerd et nous sommes interrogés sur ses motivations. Bien que Verwoerd pensât que les Africains étaient inférieurs aux animaux, sa mort ne nous a procuré aucun plaisir. L’assassinat politique n’est pas une chose que l’ANC ou moi ayons jamais soutenue.
Verwoerd s ’ était révélé à la fois comme le maître à penser et l ’ architecte du grand apartheid. Il avait soutenu la création des bantoustans et de l ’ éducation bantoue. Peu de temps avant sa mort, il avait dirigé les nationalistes aux élections de 1966, au cours desquelles le parti de l ’ apartheid avait augmenté sa majorité, en remportant 126 sièges contre 39 à l ’ United Party et un seul au Progressive Party.
Comme cela se passait souvent sur l’île, nous avions appris une nouvelle politique importante avant les gardiens. Mais le lendemain, il fut évident qu’ils savaient, car ils retournèrent leur colère contre nous. La tension qui avait mis des mois à se calmer remonta brusquement. Les autorités prirent immédiatement des mesures sévères contre les prisonniers politiques, comme si nous avions tenu le couteau qui avait tué Verwoerd.
Les autorités imaginaient toujours que nous étions en relations secrètes avec toutes sortes de forces puissantes à l’étranger. La succession des attaques victorieuses de la guérilla contre les forces de police sud-africaines en Namibie par la SWAPO (South-West African People’s Organization, Organisation du peuple du Sud-Ouest africain) – un allié de l’ANC – leur faisait également perdre leur calme. Je suppose que nous aurions dû nous sentir flattés de voir que le gouvernement considérait notre capacité militaire naissante comme suffisamment développée pour réussir à éliminer le chef de l’Etat. Mais leurs soupçons reflétaient seulement les craintes d’hommes aux conceptions étroites qui accusaient de leurs problèmes non pas leur politique absurde mais un ennemi qui s’appelait l’ANC.
La punition n’a jamais été énoncée comme une politique officielle, mais ce fut le retour de l’atmosphère très dure qui avait régné avant notre arrivée sur l’île. Le Tranquille a été remplacé par un pète-sec méchant. Il s’appelait Van Rensburg et on l’avait envoyé sur l’île par avion vingt-quatre heures après l’assassinat. Sa réputation le précédait et, parmi les prisonniers, son nom était synonyme de brutalité.
Van Rensburg était un type énorme, disgracieux, brutal, qui ne parlait pas mais hurlait. Pendant sa première journée de service, nous avons remarqué un petit swastika tatoué sur son avant-bras. Mais il n’avait pas besoin de ce symbole répugnant pour montrer sa cruauté. Son travail consistait à nous rendre la vie impossible, ce qu’il faisait avec enthousiasme.
Au cours des premiers mois, Van Rensburg fit chaque jour un rapport sur l’un d’entre nous pour insubordination ou paresse. Chaque matin, avec les autres gardiens, il choisissait le prisonnier qui aurait un rapport dans l’après-midi. C’était une politique d’intimidation sélective, et le choix du prisonnier ne tenait absolument pas compte de son travail. Quand nous revenions d’un pas lourd vers nos cellules, Van Rensburg lisait sur une liste : « Mandela (ou Sisulu ou Kathrada), je veux vous voir immédiatement chez le directeur. »
Le tribunal administratif de l’île se mit à faire des heures supplémentaires. En réponse, nous avons constitué un comité juridique composé de moi-même, de Fikile Bam et de Mac Maharaj. Mac avait fait des études de droit et était expert pour mettre les autorités sur la défensive. Fiks préparait une licence de droit ; c’était un homme brillant et habile qu’on avait choisi comme responsable du comité des prisonniers dans notre section. Le travail de ce comité consistait à conseiller nos camarades sur la façon de se comporter devant le tribunal administratif de l’île.
Van Rensburg n’était pas très intelligent, et s’il pouvait nous dominer à la
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