Un long chemin vers la liberte
violence, et je voulais moi réaffirmer devant le monde que nous ne faisions que répondre à la violence dirigée contre nous. Je voulais qu’il soit bien clair que, si je sortais de prison dans les mêmes circonstances que lors de mon arrestation, je serais obligé de reprendre les mêmes activités pour lesquelles on m’avait arrêté.
J’ai vu Winnie et Ismail un vendredi ; le dimanche, un rassemblement de l’UDF devait se tenir au stade Jabulani de Soweto, où ma réponse serait rendue publique. Des gardes que je ne connaissais pas surveillaient la visite et quand nous avons commencé à parler de ma réponse au président, l’un d’eux, assez jeune, m’a interrompu pour me dire que nous ne pouvions aborder que des questions familiales. Je l’ai ignoré et il est revenu quelques minutes plus tard avec un gardien-chef que je connaissais à peine. Ce dernier m’a dit que je devais cesser de parler de politique et je lui ai répondu que je traitais d’une question d’importance nationale dans laquelle le président lui-même était impliqué. Je l’ai averti que s’il voulait mettre un terme à notre discussion, il devait avoir un ordre du président. « Si vous n’avez pas envie de téléphoner au président de la République pour obtenir cet ordre, lui ai-je dit froidement, alors ayez l’amabilité de ne pas nous interrompre. » Il ne nous a plus interrompus.
J’ai donné à Winnie et à Ismail le discours que j’avais préparé. En plus de la réponse au gouvernement, je tenais à remercier publiquement l’UDF pour son excellent travail et féliciter l’archevêque Tutu pour son prix, en ajoutant que cette récompense appartenait au peuple tout entier. Le dimanche 10 février 1985, ma fille Zindzi lut ma réponse à une foule enthousiaste qui n’avait pu entendre légalement une seule de mes paroles, nulle part en Afrique du Sud, depuis plus de vingt ans.
Zindzi était une oratrice énergique, comme sa mère, et elle dit que son père aurait dû se trouver lui-même au stade. J’étais fier de savoir que c’était elle qui prononçait mon discours.
Je suis membre du Congrès national africain. J’ai toujours été membre du Congrès national africain et je resterai membre du Congrès national africain jusqu’au jour de ma mort. Oliver Tambo est plus qu’un frère pour moi. C’est mon meilleur ami et mon meilleur camarade depuis près de cinquante ans. S’il y a quelqu’un parmi vous qui chérit ma liberté, Oliver Tambo la chérit plus encore et je sais qu’il donnerait sa vie pour me voir libre […].
Je suis étonné des conditions que le gouvernement veut m’imposer. Je ne suis pas un homme violent […]. Ce n’est que lorsque toutes les autres formes de résistance nous ont été interdites que nous nous sommes tournés vers la lutte armée. Que Botha montre qu’il est différent de Malan, de Strijdom et de Verwoerd. Qu’il renonce, lui, à la violence. Qu’il dise qu’il va démanteler l’apartheid. Qu’il lève l’interdiction qui pèse sur l’organisation du peuple, le Congrès national africain. Qu’il libère tous ceux qui ont été emprisonnés, assignés à résidence, ou exilés à cause de leur opposition à l’apartheid. Qu’il garantisse une libre activité politique pour que le peuple choisisse qui le gouvernera.
Je chéris ma liberté, mais j ’ attache encore plus d ’ importance à votre liberté. Trop de gens sont morts depuis que je suis entré en prison. Trop de gens ont souffert à cause de leur amour de la liberté. Je le dois à leurs épouses et à leurs enfants orphelins, à leurs mères et à leurs pères qui les ont pleurés. Je ne suis pas le seul à avoir souffert pendant ces longues années solitaires et gâchées. Je n ’ aime pas moins la vie que vous. Mais je ne peux vendre mon droit de naissance, et je ne suis pas prêt à vendre le droit de naissance du peuple pour être libre […].
Quelle liberté m ’ offre-t-on si l ’ organisation du peuple reste interdite ? Quelle liberté m ’ offre-t-on si je peux être arrêté pour violation à la loi sur le pass ? Quelle liberté m ’ offre-t-on de vivre avec ma famille si ma chère femme reste assignée à résidence à Brandfort ? Quelle liberté m ’ offre-t-on si je dois demander l ’ autorisation de vivre dans une zone urbaine ? […] Quelle liberté m ’ offre-t-on si l ’ on ne respecte pas mes concitoyens sud-africains ?
Seul un homme libre
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