Un long chemin vers la liberte
tressailli en m’entendant.
Pendant la visite du professeur Dash, qui a suivi de très près celle de Lord Bethell, j’ai exposé ce qui me semblait le minimum pour une future Afrique du Sud non raciale ; un Etat unitaire sans homelands ; des élections non raciales pour un parlement national ; et le principe « une personne, un vote ». Le professeur Dash m’a demandé si je trouvais encourageantes les déclarations du gouvernement sur l’abrogation de la loi interdisant les mariages mixtes et certaines autres dispositions de l’apartheid. « C’est une piqûre d’épingle, lui ai-je répondu. Mon ambition n’est pas d’épouser une Blanche ni de nager dans une piscine pour Blancs. Ce que nous voulons, c’est l’égalité politique. » J’ai dit très sincèrement à Dash qu’en l’état des choses nous ne pouvions pas vaincre militairement le gouvernement mais que nous pouvions lui rendre très difficile l’exercice du pouvoir.
Je reçus aussi la visite moins agréable de deux Américains, rédacteurs du Washington Post, un journal conservateur. Découvrir mes conceptions semblait moins les intéresser que le fait de me prouver que j ’ étais un communiste et un terroriste. Toutes leurs questions n ’ avaient pas d ’ autre but et, quand je répétai que je n ’ étais ni l ’ un ni l ’ autre, ils essayèrent de me montrer que je n ’ étais pas non plus un chrétien en affirmant que le révérend Martin Luther King n ’ avait jamais eu recours à la violence. Je leur dis que Martin Luther King avait lutté dans des conditions totalement différentes ; les Etats-Unis étaient une démocratie, avec des garanties constitutionnelles et l ’ égalité des droits qui protégeaient les manifestations non violentes (même s ’ il y avait encore des préjugés contre les Noirs) ; l ’ Afrique du Sud était un Etat policier avec une constitution fondée sur l ’ inégalité et une armée qui répondait à la non-violence par la force. Je leur dis que j ’ étais chrétien et que je l ’ avais toujours été. Même le Christ, leur dis-je, quand il n ’ avait plus eu d ’ autre alternative, avait utilisé la force pour chasser les marchands du Temple. Ce n ’ était pas un partisan de la violence, mais il n ’ avait pas eu d ’ autre choix que de l ’ utiliser contre le mal. Je ne pense pas les avoir persuadés.
Affronté à des troubles intérieurs et à une forte pression extérieure, P.W. Botha offrit une demi-mesure timide. Le 31 janvier 1985, lors du débat au Parlement, le président proposa de me libérer si « je rejetais de façon inconditionnelle la violence comme instrument politique ». Cette offre s’étendait à tous les prisonniers politiques. Puis, comme s’il me lançait un défi public, il ajouta : « Par conséquent, ce n’est plus le gouvernement sud-africain qui s’oppose à la libération de Mr. Mandela. C’est lui-même. »
Les autorités m’avaient averti que le gouvernement allait faire une proposition concernant ma libération, mais je ne m’attendais pas qu’elle soit faite au Parlement par le président. Si je ne me trompais pas, c’était la sixième offre de libération conditionnelle du gouvernement au cours des dix dernières années. Après avoir écouté le discours à la radio, j’ai demandé au commandant de la prison de voir de toute urgence ma femme et mon avocat, Ismail Ayob, afin de leur dicter ma réponse à l’offre du président.
Pendant une semaine, on refusa cette autorisation de visite à Winnie et à Ismail, et en attendant j’écrivis une lettre au ministre des Affaires étrangères, Pik Botha, dans laquelle je rejetais les conditions mises à ma libération, tout en préparant parallèlement une réponse publique. J’avais l’intention d’y préciser un certain nombre de choses parce que l’offre de Botha était une tentative pour créer une brèche entre moi et mes camarades en me proposant d’accepter une politique que l’ANC rejetait. Je voulais assurer à l’ANC en général et à Oliver en particulier que ma loyauté envers l’organisation restait la même. Je voulais aussi envoyer un message au gouvernement pour lui dire que si je rejetais son offre à cause des conditions qui y étaient attachées, je n’en pensais pas moins que la négociation et non la guerre était la voie qui menait à la solution.
Botha voulait se décharger sur mes épaules de la responsabilité de la
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