Un long chemin vers la liberte
était importante et respectée et elle était attirante d ’ une façon tout à fait digne, mais cette jeune fille, j ’ en ai peur, était depuis longtemps amoureuse de Justice ! Le régent ne devait pas le savoir, car les parents ignorent souvent la vie sentimentale de leurs enfants. Mais ma future femme n ’ avait sans doute pas plus envie d ’ être embarrassée de moi que moi d ’ elle.
A cette époque, j ’ avais des idées plus avancées sur le plan social que sur le plan politique. Alors que je n ’ aurais pas envisagé de lutter contre le système politique des Blancs, j ’ étais prêt à me révolter contre le système social de mon propre peuple. De façon ironique, le régent en personne en était indirectement responsable, car l ’ éducation qu ’ il m ’ avait permis d ’ acquérir m ’ avait entraîné à rejeter de telles coutumes traditionnelles. Pendant des années j ’ étais allé au lycée et à l ’ université avec des femmes et j ’ avais eu quelques amourettes. J ’ étais sentimental et peu disposé à ce que quelqu ’ un, fût-ce le régent, me choisisse une épouse.
J ’ allai voir la femme du régent, et je lui expliquai ma situation. En aucun cas je ne pouvais lui dire que je refusais ce mariage arrangé par le régent car elle aurait été naturellement mal disposée à mon égard. A la place, je mis au point un plan et lui dis que j ’ aurais préféré épouser une parente de la reine que je trouvais désirable. Cette jeune fille était en effet très belle, mais je ne savais absolument pas ce qu ’ elle pensait de moi. Je dis que je l ’ épouserais dès que j ’ aurais terminé mes études. Ce n ’ était qu ’ une demi-ruse, mais je préférais cela aux projets du régent. La reine prit mon parti, mais on ne réussit pas à dissuader le régent. Il avait pris une décision, il n ’ en changerait pas.
J ’ avais l ’ impression qu ’ il ne me laissait aucun choix. Je ne pouvais accepter ce mariage que je trouvais injuste et peu judicieux. En même temps, je pensais que je ne pourrais plus rester sous la tutelle du régent si je devais refuser son projet de mariage. Justice était d ’ accord et nous décidâmes qu ’ il ne nous restait qu ’ à nous enfuir, et que nous ne pouvions aller qu ’ à Johannesburg.
Aujourd ’ hui, je me rends compte que nous n ’ avions pas épuisé toutes les possibilités. J ’ aurais pu essayer de discuter avec le régent en utilisant des intermédiaires pour tenter d ’ arriver à une sorte d ’ accord dans le cadre de notre tribu et de notre famille. J ’ aurais pu faire appel au cousin du régent, le chef Zilindlovu, un des chefs les plus éclairés et les plus influents de la cour de Mqhekezweni. Mais jetais jeune et impatient, et je ne trouvais aucune vertu à l ’ attente. La fuite me semblait la seule solution.
Nous avons gardé notre projet secret tout en mettant les détails au point. Tout d ’ abord nous avions besoin d ’ une occasion. Le régent croyait que Justice et moi avions la pire influence l ’ un sur l ’ autre, ou au moins que le penchant de Justice pour les aventures et la rigolade influençait mes dispositions plus sages. En conséquence, il s ’ efforçait de nous séparer dans la mesure du possible. Quand le régent partait en voyage, il demandait généralement à l ’ un de nous de l ’ accompagner afin que nous ne restions pas ensemble pendant son absence. Le plus souvent, il emmenait Justice car il préférait que je reste à Mqhekezweni pour m ’ occuper de ses affaires. Mais nous apprîmes que le régent devait partir pendant toute une semaine pour assister à une session du Bungha, l ’ assemblée législative du Transkei, sans nous emmener, et nous décidâmes que c ’ était le moment idéal pour nous enfuir. Nous partirions à Johannesburg dès que le régent serait en route pour le Bungha.
J ’ avais peu de vêtements et nous réussîmes à mettre tout ce que nous possédions dans une seule valise. Le régent partit de bonne heure le lundi et, en fin de matinée, nous étions prêts. Mais juste au moment où nous nous en allions, il revint à l ’ improviste. Nous avons vu sa voiture et nous avons couru dans le jardin pour nous cacher dans un champ de maïs. Le régent entra dans la maison et la première question qu ’ il posa fut : « Où sont les garçons ? » Quelqu ’ un répondit : « Oh, ils sont par là. » Mais le régent était
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