Un long chemin vers la liberte
moi nous efforçâmes de montrer que rien d’irréparable ne s’était produit. Au début de la séance, nous nous serrâmes publiquement la main en disant que nous allions travailler ensemble. Mais une grande partie de la confiance avait été perdue, et les négociations se retrouvaient dans la plus grande incertitude.
Six semaines après l’ouverture de la CODESA 1, le Parti national présenta un candidat à une importante élection partielle à Potchefstroom, une ville universitaire conservatrice du Transvaal, forteresse traditionnelle des nationalistes. Dans un renversement spectaculaire, le Parti national fut battu par le candidat de droite du Parti conservateur. Ce dernier s’opposait farouchement aux négociations du gouvernement avec l’ANC, et se composait principalement d’Afrikaners qui avaient l’impression que Mr. De Klerk bradait le pays. Le résultat de l’élection semblait jeter un doute sur la politique de réformes et de négociations. Le Parti national s’inquiéta ; ses propres électeurs dans sa forteresse rejetaient sa politique.
Mr. De Klerk décida de jouer son va-tout. Il annonça qu’à la suite de l’élection partielle de Potchefstroom il organiserait un référendum national le 17 mars pour que le peuple d’Afrique du Sud puisse se prononcer sur sa politique de réformes et de négociations avec l’ANC. Il déclara que si le non l’emportait, il démissionnerait. On posait une question claire et directe : « Soutenez-vous la poursuite du processus de réformes engagé par le président De Klerk le 2 février 1990 et dont le but est la mise en œuvre d’une nouvelle constitution par la négociation ? »
L’ANC s’opposa au référendum parce qu’il excluait les non-Blancs. En même temps, nous étions réalistes : nous ne tenions absolument pas à ce que les électeurs blancs rejettent les efforts de De Klerk pour poursuivre les négociations. Tout en méprisant le principe du vote, nous encouragions les Blancs à voter oui. Nous considérions ce référendum comme un signe de soutien aux négociations et pas nécessairement à Mr. De Klerk.
Nous avons regardé sa campagne avec intérêt et un peu de consternation. Avec le Parti national, il menait une campagne coûteuse à l’américaine, accompagnée d’encarts publicitaires dans les journaux et de spots télévisés, d’autocollants et de meetings hauts en couleur. Nous voyions cela comme une répétition générale de la campagne que Mr. De Klerk mènerait contre nous.
A la fin, 69 % des électeurs blancs se prononcèrent pour les négociations et donnèrent une éclatante victoire à Mr. De Klerk. Il se sentit soutenu ; je pense que son avance lui monta même un peu à la tête. Les nationalistes durcirent leur position dans les négociations. C’était une stratégie dangereuse.
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Le 13 avril 1992, lors d ’ une conférence de presse à Johannesburg, accompagné de mes deux plus anciens camarades, Walter et Oliver, j ’ ai annoncé que je me séparais de ma femme. La situation était devenue si difficile que je pensais que cela valait mieux dans l ’ intérêt de tous – l ’ ANC, la famille, Winnie. Bien que j ’ en eusse parlé avec l ’ organisation, cette séparation avait des raisons personnelles.
J’ai lu la déclaration suivante.
Les relations entre ma femme, la camarade Nomzamo Winnie Mandela, et moi sont devenues l’objet de spéculations dans la presse. Je fais cette déclaration pour clarifier la situation et dans l’espoir que cela mettra fin aux rumeurs.
La camarade Nomzamo et moi-même nous sommes mariés à une période critique de la lutte de libération dans notre pays. A cause des pressions dues à notre engagement commun dans l’ANC et la lutte pour mettre fin à l’apartheid, nous n’avons pas pu mener une vie de famille normale. Malgré ces pressions, notre amour réciproque et l’attachement que nous portions à notre couple se sont intensifiés. […]
Pendant les vingt années que j’ai passées à Robben Island, elle a été le pilier indispensable qui m’a soutenu et réconforté. […] La camarade Nomzamo a accepté de porter un lourd fardeau en élevant seule nos enfants. […] Elle a supporté les persécutions innombrables du gouvernement avec un courage exemplaire et n’a jamais hésité dans sa lutte pour la liberté. Sa ténacité a renforcé le respect, l’amour et l’affection que j’avais pour elle. Elle a
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