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Un mois en Afrique

Un mois en Afrique

Titel: Un mois en Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre-Napoléon Bonaparte
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et montant sur le terre-plein de la batterie Petit, il se mit à parodier les chants du pays de la façon la plus amusante.
Les mêmes circonstances que j'ai déjà décrites se renouvelèrent ce jour-là et le lendemain. Les cheminements avançaient, quoique lentement ; l'artillerie s'occupait de mettre deux nouvelles pièces en batterie à l'extrême droite ; son feu fit s'écrouler avec fracas, dans un nuage de poussière, une des tours de Zaatcha ; les coups de fusil et de tromblon des défenseurs continuaient, et nos soldats, mieux défilés à mesure que les travaux avançaient, les leur revalaient.
La nuit, nous eûmes une alerte plus vive que la dernière fois. L'officier de garde à la sape de gauche vint nous avertir que le léger blindage qui la recouvrait paraissait céder sous les pierres que les Arabes, abrités par un renfoncement du sol, à quelques pas de nous, ne cessaient de lancer. La fusillade éclata ; nous accourûmes, le colonel, M. de Laurencez et moi, mais, même de la tête de la sape, il nous fut impossible d'apercevoir un seul des ennemis, que nous entendions cependant parler entre eux à voix basse. L'endroit où nous étions était, comme toute la tranchée, dominé par des palmiers, mais les Arabes ne s'avisèrent point de renouveler la ruse, dont mon colonel avait failli être victime. Du reste, nous étions sur nos gardes ; nos factionnaires, collés contre l'épaulement, le genou en terre, la baïonnette au canon, le doigt sur la détente, auraient bien reçu les audacieux qui se fussent offerts à eux.
    Un coup d'obusier à balles fut tiré, mais je crois qu'il passa au-dessus de la tête des Arabes. Aucun ne se montra, et pour ne pas rester inactifs, nous leur renvoyâmes quelques-unes de leurs pierres. Nous sentîmes alors combien des grenades nous eussent été utiles, mais il n'en existait pas une seule à la tranchée, ni au camp. Tout ce que nous pûmes faire, ce fut de placer quelques zouaves à la batterie Petit, d'où l'on pouvait, en tirant obliquement, flanquer jusqu'à un certain point la tête de la sape, non sans risquer de blesser nos sapeurs. Pour obvier à cet inconvénient, et pour toucher l'ennemi dans l'obscurité, on choisit les hommes les plus adroits. De retour à la gourbie du colonel, il ne se passa pas longtemps sans que j'entendisse les cris d'un Arabe, qui, atteint par nos balles, se plaignait d'une voix lamentable. Je demandai la signification de ses paroles à l'interprète du colonel, qui me les traduisit ainsi : «Roumis (chrétiens), disait le malheureux blessé, que vous avais-je fait pour me traiter ainsi ? mon sang coule, mais je suis content de mourir pour ma patrie et pour ma religion !» Pourquoi la nature de cette guerre impitoyable nous empêchait-elle de tendre une main sympathique et secourable au brave qui, sous l'étreinte de la mort, proclamait de si hauts sentiments !
Cet usage de se plaindre ou de nous menacer semblait familier aux défenseurs de Zaatcha. On a vu que parmi eux se trouvaient des hommes qui avaient fait à Alger le métier de portefaix, et souvent, c'est en baragouinant notre langue, qu'ils s'efforçaient de nous adresser des injures ou de nous railler. Comme pour eux tout ce qui n'est pas Arabe ou Français est Juif, ils gratifiaient la Légion étrangère du titre de bataillon di Jouifs.
    Parfois, appelant nos soldats : couchons, Jouifs, criaient-ils, oun caporal et quatre hommes en factionne ; va te coucher ! Cette dernière injonction était accompagnée d'un coup de feu qui dénotait le genre de couche qu'ils nous souhaitaient.
Relevé le 29 au soir, j'allai, dès que je fus de retour au camp, prendre congé du général et de son chef d'état-major, M. le colonel Borel. En présence des attaques dont j'ai été l'objet, il est bon de rappeler que dans cette entrevue, il fut constaté qu'il y avait, pour lors, beaucoup plus de risques à courir en quittant le camp qu'en y restant. Le chemin de Batna était journellement inquiété et parfois intercepté par de nombreux coureurs ennemis, qui venaient d'y commettre maints assassinats, et le général s'était vu dans la nécessité d'envoyer à Biscara M. le colonel de Mirbeck, avec de la cavalerie, pour maintenir les communications. Du camp à Biscara, j'avais un convoi de blessés et de malades à conduire, avec une escorte suffisante, mais de cette place à Batna, on ne pouvait me donner que quelques cavaliers. Le colonel Borel doutait que je pusse

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