Un mois en Afrique
mais, grâce à l'habileté et à la vieille expérience de notre bon capitaine, nous touchâmes à Marseille dans la nuit du 10 au 11.
A Paris, où j'arrivais très irrité de la position que l'on m'avait faite en Afrique, contrairement aux promesses que j'avais reçues, on avait déjà répandu, sur mon retour, les interprétations les plus malveillantes. Un journal ministériel avait publié un article injurieux, et d'autres, sans même s'enquérir des faits, ne m'avaient pas épargné. Cependant, comme le ministère qui avait présidé à mon départ n'était plus en fonctions, je crus devoir une visite au ministre de la guerre, pour lui offrir un rapport circonstancié que j'avais préparé sur la situation de la province de Constantine. M. d'Hautpoul se montra très affable, et comme il m'interrogeait sur mon retour, et qu'il paraissait ignorer dans quels termes j'avais consenti à faire acte de présence en Algérie, j'entrai dans quelques développements, et je lui parlai incidemment de l'ordre du général Herbillon, prescrivant mon départ de Zaatcha pour Alger.
Il demanda à le voir. Voulant maintenir intact mon droit de représentant du Peuple, je lui déclarai d'abord que je ne m'y croyais pas obligé ; mais comme il y mettait une certaine insistance affectueuse et parfaitement convenable, je consentis à le lui communiquer. En le voyant, il s'écria, à plusieurs reprises, non pas comme il l'a dit à la tribune : Cet ordre vous couvre, mais : Vous êtes parfaitement en règle ; et il me pria de le lui laisser, pour le montrer au président de la République, qu'il m'engageait fortement à aller voir. Sous l'impression de mon juste ressentiment de la manière dont j'avais été traité, il ne pouvait entrer dans mes vues de me présenter à l'Elysée, et c'est probablement ce qui a rendu possible un scandale que je déplore et que j'ai la conscience de ne pas avoir provoqué. Ma lettre à la Patrie [Voyez aux Pièces justificatives.], dont a parlé M. d'Hautpoul, n'était qu'une réponse aux attaques dont j'avais été l'objet, et dont certains organes de la presse gouvernementale ne s'étaient pas fait faute. La conviction qui résulte pour moi de mon entrevue avec le ministre de la guerre, c'est que, bien qu'il ait assumé la responsabilité de l'affront public qui m'a été fait, c'est à d'autres qu'il doit être attribué. Des informations ultérieures m'ont prouvé que je ne m'étais pas trompé.
Quoi qu'il en soit, je reçus, le lendemain, avec une lettre du général Bertrand, directeur du personnel, le décret qui parut le surlendemain au Moniteur, signé Louis-Napoléon Bonaparte, et portant en tête la devise : Fraternité ! Sa légalité, de l'avis de bien des personnes compétentes, aurait pu être contestée sous plus d'un rapport, mais ayant, en tout cas, l'intention de donner au gouvernement ma démission, je ne crus pas devoir lui disputer mon épaulette au titre étranger.
On peut voir, aux Pièces justificatives, ces divers documents, ainsi que ma réponse au général Bertrand, que plusieurs journaux ont reproduite.
On y trouvera aussi le texte, d'après le Moniteur, de mes interpellations qui eurent lieu à l'Assemblée nationale, le 22 novembre, et celui de la réponse de M. d'Hautpoul.
En terminant, on me permettra quelques courtes observations au sujet de ce discours du ministre de la guerre. N'était-il pas, au moins, étrange de venir dire sérieusement à l'Assemblée, qu'à ma place, ayant rencontré les renforts, il se serait mis à leur tête, il serait parti avec eux, et, le lendemain, il serait monté à l'assaut de Zaatcha ! ! Je transcris littéralement ses expressions, mais c'est à ne pas y croire ! Comment, moi, officier au titre étranger, j'aurais donné des ordres à des troupes ayant à leur tête des lieutenants-colonels et des chefs de bataillon au titre français ? Mais ils m'auraient envoyé promener, et ils auraient bien fait ! M. d'Hautpoul, ce jour-là, semblait avoir oublié les rudiments de la hiérarchie militaire, et les droits au commandement que, même à parité de grade, un officier étranger ne peut exercer vis-à-vis d'un officier au titre français. [Article 3 de l'ordonnance du 3 mai 1832.]
Et que dire de cette prétention de monter à l'assaut le lendemain ? D'abord, les renforts étant séparés de Zaatcha par une distance de plusieurs journées de marche, le plus grand foudre de guerre, à moins d'être Josué, n'aurait pu
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