Un Monde Sans Fin
de
Caster.
— Ah oui. Notre fils, le prince de Galles, a proposé le
nom du seigneur Ralph Fitzgerald, qui a été élevé hier soir au rang de
chevalier pour lui avoir sauvé la vie. »
Caris laissa échapper un petit cri que le roi n’entendit
pas, contrairement à William. Celui-ci partageait manifestement son dépit. Il
ne chercha pas à celer son indignation : « Avant d’obtenir votre
royal pardon en entrant dans l’armée de Votre Majesté, Ralph était un
hors-la-loi qui s’est rendu coupable de nombreux vols, meurtres et
viols. »
Si cet éclat émut Caris, il laissa le roi de marbre.
« Cela fait maintenant sept ans que Ralph se bat pour nous, déclara-t-il.
Il mérite une seconde chance.
— Certainement, objecta William avec diplomatie. Mais
compte tenu des troubles que nous avons connus dans le passé par sa faute, je
souhaiterais le voir mener une vie paisible pendant un an ou deux avant d’être
anobli.
— Eh bien, nous ne t’imposerons pas cette décision de
force, mais ce sera à toi, en tant que son suzerain, de veiller à ce qu’il se
comporte pacifiquement. » Puis, après un instant de réflexion, le roi
reprit : « N’as-tu pas une cousine en âge de se marier ?
— Oui, dit William. Matilda. Nous la surnommons Tilly.
— C’est exact. C’était la pupille de ton père Roland.
Son père possédait trois villages près de Shiring.
— Votre Majesté a bonne mémoire des détails.
— Que Matilda épouse Ralph et qu’il reçoive les
villages de son père ! décréta le roi.
— Mais elle n’a que douze ans ! » s’exclama
Caris, qui connaissait la petite Tilly, élève à l’école du couvent.
William la fit taire.
Le roi Édouard se tourna vers elle avec froideur. « Les
enfants de la noblesse se doivent de grandir rapidement, ma sœur. La reine
n’avait que quatorze ans lorsque je l’ai épousée. »
Mais Caris était trop révoltée pour se contenir. Tilly
n’avait que quatre ans de plus que l’enfant qu’elle aurait pu avoir de Merthin.
« Entre douze et quatorze ans, la différence est de taille, insista-t-elle
désespérément.
— En présence du souverain, on ne donne son opinion que
lorsqu’elle vous est demandée, laissa tomber le roi sur un ton glacial. Et il
s’inquiète rarement de connaître celle des femmes. »
Caris poursuivit néanmoins, s’en prenant au caractère de
Ralph, puisque l’âge n’était pas le bon angle d’attaque. « On ne saurait
marier une petite fille aussi gentille que Tilly à cette brute de Ralph !
— Caris, vous vous adressez au roi ! » lui
chuchota Mair à l’oreille sur un ton apeuré.
Le souverain se tourna vers William. « Emmène-la,
Shiring, avant qu’elle ne lâche des propos auxquels je ne pourrais rester
sourd. »
S’emparant de son bras, William l’entraîna hors de la
présence royale. Mair suivit. Dans son dos, Caris entendit Édouard
s’exclamer : « Je comprends qu’elle ait survécu en Normandie !
Les gens du cru ont dû être terrifiés. » Et les nobles tout autour de
s’esclaffer.
« Vous êtes devenue folle ! chuchota William.
— Moi ? s’indigna Caris sans craindre de hausser le
ton, ne pouvant plus être entendue du roi. Au cours de ces six dernières
semaines, le roi a causé la mort de milliers de gens, hommes, femmes et
enfants ; il a incendié leurs récoltes et leurs maisons. Pour ma part, je
n’ai fait qu’essayer de sauver une petite fille d’un mariage avec un assassin.
Lequel de nous deux est le plus fou, seigneur William, dites-le-moi, je vous
prie ? »
51.
En l’an 1347, la moisson fut mauvaise à Wigleigh. Les
paysans firent comme toujours en période de vaches maigres : ils rognèrent
sur la nourriture, remirent à plus tard les achats superflus et, la nuit, se
serrèrent plus étroitement les uns contre les autres pour se tenir chaud. La
vieille veuve Hubert mourut avant son heure ; Janey Jones, elle, fut
emportée par une toux à laquelle elle aurait dû survivre aisément et le
dernier-né de Joanna David n’atteignit pas sa première année, ce qu’il aurait
fait en temps ordinaire.
Gwenda surveillait ses deux garçons d’un œil anxieux. Sam,
qui avait huit ans, était grand pour son âge. Il ressemblait à Wulfric,
disait-on, mais Gwenda voyait en lui son vrai père, Ralph Fitzgerald. David,
baptisé ainsi en souvenir du frère de Wulfric disparu dans l’effondrement du
pont, était petit pour ses six ans
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