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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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entrèrent en ville à cheval, bannière au vent, sans
se soucier d’éclabousser les piétons. Ces dix dernières années, tout d’abord
sous le règne de la reine Isabelle, puis sous celui de son fils Édouard III, la
fortune avait souri au comte Roland. Riche et puissant, il tenait à ce que tout
le monde le sache.
    Attaché à son service, Ralph, le fils de sieur Gérald, s’en
était fort bien porté. Pendant que son frère Merthin était apprenti auprès du
père de maître Elfric, il était devenu écuyer. Nourri copieusement et
chaudement vêtu, il avait appris à monter à cheval et à se battre. Son temps se
partageait entre la chasse, les sports et les jeux. En l’espace de six ans et
demi, il n’avait pas lu une ligne ni n’avait écrit un seul mot, personne ne
l’ayant prié de le faire. Tout en chevauchant derrière le comte sous les
regards envieux et craintifs de la foule, il plaignait en secret ces négociants
et ces marchands blottis les uns contre les autres et obligés, après leur
passage, de fouiller la boue près de leurs étals à la recherche des malheureux
pennies lancés par les cavaliers.
    Parvenu à la maison du prieur, sise près du flanc nord de la
cathédrale, le comte descendit de sa monture. Richard, son fils cadet, l’imita.
Âgé de vingt-huit ans, il avait été nommé évêque de Kingsbridge grâce à la
proximité de son père avec le roi, avantage bien plus important que sa
jeunesse. La cathédrale était théoriquement sa paroisse, mais il avait établi
sa résidence dans un palais de Shiring. Ses fonctions étant autant politiques
que religieuses, cet arrangement lui convenait. Il convenait également aux
moines du prieuré, enchantés de ne pas être surveillés de trop près.
    Le reste de la suite se regroupa près de la façade sud de la
cathédrale. Là, le fils aîné du comte, William, seigneur de Caster, ordonna aux
écuyers de conduire les chevaux à l’écurie. Lui-même entra à l’hospice, entouré
d’une demi-douzaine de chevaliers. Ralph se précipita vers dame Philippa pour
l’aider à descendre de cheval. Il se mourait d’amour pour l’épouse de William,
femme grande et belle aux longues jambes et à la poitrine généreuse.
    Ayant prodigué aux chevaux les soins nécessaires, Ralph se
rendit chez ses parents. Le logis que le prieuré avait mis à leur disposition
se trouvait au sud-ouest de la ville, près de la rivière, dans un quartier
nauséabond dévolu aux tanneurs. En approchant de leur petite maison, Ralph se
sentit rapetisser de honte dans son uniforme rouge et noir et il bénit le ciel
que dame Philippa ne soit pas témoin de la situation indigne dans laquelle
vivaient son père et sa mère.
    Il ne les avait pas vus depuis toute une année ; ils
lui parurent vieillis. Dame Maud avait à présent de nombreuses mèches grises et
sieur Gérald perdait la vue. Ils lui offrirent du cidre pressé par les moines
et des fraises cueillies par sa mère dans les bois. Le père admira sa tenue.
« As-tu été adoubé par le comte ? » demanda-t-il avec ardeur.
    C’était l’ambition de tout écuyer que d’être armé chevalier.
Ralph en rêvait encore plus que les autres, car la flèche qui avait transpercé
le cœur de son père le jour où il avait subi l’humiliation indélébile d’être
rabaissé à la position de pensionnaire du prieuré ne l’avait pas épargné. Dix
ans plus tard, sa douleur était toujours aussi vive. Elle ne serait soulagée
que lorsqu’il aurait rétabli sa famille dans son honneur. Hélas, les écuyers
n’étaient pas systématiquement élevés au rang de chevaliers, bien que sieur
Gérald en parle comme si c’était une question d’heures.
    « Pas encore, répondit Ralph. Mais il est probable que
nous partions sous peu guerroyer en France. J’aurai ma chance, alors. » Il
avait pris un ton léger, ne voulant pas montrer combien il était impatient de
se distinguer dans une bataille.
    « Pourquoi les rois veulent-ils toujours faire la
guerre ? » s’écria sa mère sur un ton dégoûté.
    Le père eut un rire. « Les hommes sont faits pour
ça !
    — Pas du tout ! réagit-elle avec brusquerie. Quand
j’ai donné naissance à Ralph dans les douleurs et les tourments, ce n’était pas
avec l’espoir qu’un Français lui tranche la gorge de son épée ou lui transperce
le cœur avec une flèche d’arbalète ! »
    Le père la fit taire d’un geste de la main pour interroger
son fils.

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