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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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comptera cinquante étages, surmontés d'une tourelle et d'un dôme. Au vingt-huitième étage, une horloge lumineuse à quatre cadrans, un sur chaque façade, donnera l'heure, jour et nuit, aux New-Yorkais. N'est-ce pas formidable ? développa Artcliff, enthousiaste.
     
    – Que tu fasses de George un architecte me plaît assez. Plus tard, il aura à s'employer dans nos îles, où il va falloir construire hôtels et villas, pour accueillir les touristes américains de plus en plus nombreux, dit Pacal.
     
    Après une rencontre affectueuse avec Martha, qui, diplômée du Rutgers College, allait entreprendre des études médicales, lord Pacal décida l'achat d'une automobile. Artcliff était déjà propriétaire d'une luxueuse Studebaker capotée, pouvant transporter quatre passagers, à la vitesse de cinquante miles à l'heure. Elle avait coûté trois mille dollars. Plus modeste, le Bahamien commanda l'automobile la plus vendue, cette année-là, aux États-Unis et réputée la plus robuste, une Ford modèle T. Elle ne lui coûta que huit cent cinquante dollars. On disait que ce cabriolet à deux places avait les faveurs des médecins de campagne, souvent contraints de circuler sur de mauvais chemins. Nulle doute que l'automobile ne s'accommode des routes, parfois asphaltées, de Soledad.
     
    Quand les ateliers de Detroit eurent livré la Ford, par chemin de fer, Pacal prit quelques cours de conduite en attendant l'arrivée à New York du Phoenix II , commandé par Philip Rodney. Il avait jugé le vieux vapeur plus sûr que le Lady Ounca , pour transporter le véhicule et un stock de carburant nécessaire à son fonctionnement.
     
    Après une dernière promenade en automobile, avec sa fille, dans les rues de New York, lord Pacal et son bruyant jouet embarquèrent pour les Bahamas. Tom O'Graney, chargé d'amarrer solidement la Ford sur la plage arrière du vapeur, dit espérer l'absence de gros temps.
     
    Ce souhait ne fut pas exaucé. Durant la navigation, entre la côte américaine et Soledad, on craignit, sous des grains violents, de perdre l'automobile, qui tressautait sur ses ressorts, quand le vapeur plongeait dans un creux, avant de se dresser sur la crête des vagues.
     
    – Si, d'aventure, la Ford rompt ses amarres, nous risquons le déséquilibre du navire ; il pourra prendre de la gîte, se coucher sur un bord, avertit Rodney.
     
    – Si la sécurité du navire est en cause, n'hésitez pas, commandant, à pousser l'automobile à la mer. Je ne veux faire courir aucun risque à l'équipage, décida Pacal.
     
    – Ça me ferait mal au cœur, my lord , d'envoyer cette belle machine par le fond. Le capitaine O'Graney a encore de bons biceps, il va doubler les amarres de votre engin, qui sera, comme nous, secoué par la tempête, mais nous le livrerons en état, répondit le marin.
     
    Aux grains du grand large succéda un temps de demoiselle, quand le vapeur entra dans les eaux de l'archipel, et la Ford retrouva la terre ferme, à Soledad, devant des douzaines d'insulaires curieux. Ceux qui n'avaient jamais quitté l'île voyaient une automobile pour la première fois. Le cocher de lord Pacal parut dépité de n'avoir à transporter que des bagages à Cornfield Manor, tout en suivant un char à moteur, dont les pétarades effrayaient ses chevaux.
     
    Au cours des jours suivants, Pacal parcourut l'île au volant de sa Ford, ce qui fit sensation, dans les villages et les fermes. Le vieux cacique des Arawak, Palako-Mata, invité à une promenade, décréta que cette concurrente malodorante du cheval faisait figure d'intruse dans le paysage insulaire.
     
    – C'est une fleur en fer-blanc dans un bouquet de roses, dit-il.
     
    Pacal reconnut que cette machine, parfaitement incluse dans les rues de New York, où de nombreuses automobiles circulaient entre fiacres et tramways, paraissait, à Soledad, tombée d'une lointaine planète. Une étrangère, dont on se méfiait, qui faisait fuir les chèvres, aboyer les chiens, écrasait les poules divagantes, et dont la trompe de cuivre émettait des grognements insolents.
     
    Bien conscient d'une nécessaire accoutumance des îliens, lord Pacal apprit à son cocher à piloter la Ford, ce qui valut à ce dernier le titre d'automédon et lui assura, dans la domesticité insulaire, la suprématie des initiés. Réservant sa voiture aux déplacements urgents, le maître de l'île resta, pour de nombreux usages, fidèle au cheval. On fut rassuré de le voir,

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