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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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qu'il tenait les Noirs « pour une race inférieure, qui devait descendre d'une souche différente ».
     
    – Nous avons déjà entendu ce refrain à Charleston, chez le défunt Bertie III Cornfield, dit Ottilia.
     
    – Peut-être, mais Agassiz avait une telle notoriété que sa déclaration lui aliéna, pour un temps, les abolitionnistes, car il développa en écrivant : « Durant des milliers d'années, la race noire a manifesté des tendances naturelles et des caractéristiques mentales qui sont celles que nous constatons aujourd'hui : la paresse, la sensualité, la faculté d'imitation, le goût de la destruction, le caractère bon enfant, la versatilité, l'absence de fermeté, le dévouement et l'affection. Tandis que d'autres races produisaient les plus hautes civilisations de l'Antiquité, la race nègre végétait dans la barbarie et ne fut jamais capable d'engendrer une société organisée. » Telle fut la déclaration que les Sudistes retinrent.
     
    – Ce savant connaissait certainement les saumons et les glaciers de son pays, mais connaissait-il les nègres ? demanda lord Simon.
     
    – Certes, moins que vous. Car vous vivez depuis longtemps près de nègres qui jouissent de la liberté et de droits reconnus. Mais ces droits, Agassiz les souhaitait aussi pour les nègres américains. Car les esclavagistes, qui répandirent les propos que je vous ai cités, oubliaient volontiers qu'Agassiz avait aussi proclamé à la même époque : « Les nègres ont droit à la liberté, ils ont le droit de choisir leur destinée, de jouir de l'existence de leur famille, de l'argent qu'ils ont gagné. Ils ont droit à l'égalité devant la loi 5  »
     
    – Si j'en juge par ce que nous voyons ici, je crains que l'émancipation des Noirs, obtenue par tant de sacrifices – Bob, celui de vos mains, entre autres – n'apporte pas aux nègres les mêmes chances d'éducation, d'emploi et partant, de bonheur, qu'aux Blancs, dit Charles Desteyrac.
     
    – Nous leur avons donné la liberté d'aller et venir, de travailler, suivant leur capacité, où bon leur semble, pour un honnête salaire. Ils ont leurs quartiers, leurs écoles et leurs églises. La séparation des races, qui reste une bonne chose, ne signifie pas qu'une race est inférieure à l'autre. Si la différence physique est évidente, la différence sociale ne l'est pas moins. Nous sommes pour l'égalité des droits dans la séparation des communautés, car on ne peut obliger deux races à vivre ensemble. Vivre ensemble dépend des mœurs, des affinités naturelles, pas de la race. Ce sont les nègres qui, aujourd'hui, se considèrent comme inférieurs aux Blancs. Ils n'ont qu'à abandonner cette idée, déclara Lowell, péremptoire.
     
    – Cette idée ne vient pas de la race, Bob, elle vient de ce qu'ils connurent l'esclavage pendant plusieurs générations. Ce n'est pas la couleur de leur peau qui fait croire aux nègres qu'ils appartiennent à une race inférieure ; c'est que les Blancs en firent une race inférieure, esclave et seulement esclave. On leur a refusé, jusqu'à l'émancipation, toute possibilité d'éducation et d'instruction. De cela, ils se souviennent et se souviendront longtemps. Votre formule civique « égaux mais séparés », ne fait que perpétuer leur isolement, dit Desteyrac.
     
    – C'est bien ce que nous voulons. Qu'ils restent entre eux, nous entre nous ! conclut Lowell, avec la même assurance que l'on rencontrait chez la plupart des Bostoniens.
     

    C'est en famille que les Bahamiens excursionnèrent à travers la Nouvelle-Angleterre, souvent en compagnie de Thomas Artcliff, à qui lord Simon trouva « un air franc et résolu ».
     
    Ensemble, ils se rendirent à Concord, la petite ville près de laquelle, le 19 avril 1775, avaient été tirés par les fermiers en colère les premiers coups de fusil de la guerre de l'Indépendance américaine. Là, avait aussi vécu le philosophe transcendantaliste Henry David Thoreau, un ancien de Harvard, d'origine franco-écossaise. Bob Lowell citait souvent l'auteur de Walden ou la vie dans les bois , pour inciter ses élèves au travail appliqué, au lieu de s'abandonner à des rêveries sentimentales. « L'expérience est dans les doigts et dans la tête. Le cœur n'a pas d'expérience », répétait-il. Et lord Simon approuvait, tandis que les deux étudiants riaient sous cape car, à Thoreau, ils préféraient Longfellow, professeur de littérature

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