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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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un fin connaisseur des bateaux en fer, et je veux faire construire un yacht que nous baptiserons Phoenix II . Ce sera un vapeur, bien sûr, car nos voiliers seront bientôt des pièces de musée. Mais je veux un navire d'un confort parfait et d'un luxe raffiné. Ce sera mon dernier caprice et vous en jouirez plus longtemps que moi, qui chemine vers la sortie.
     

    Au cours des semaines qui suivirent, on ne fit, de Cornfield Manor à Malcolm House en passant par Exile House, devenu résidence des Maitland, qu'agiter des idées autour du voyage projeté et de la construction d'un nouveau Phoenix . Chaque semaine, le lord réunissait chez lui les marins les plus expérimentés, pour discuter et élaborer les plans de son futur yacht. Les officiers, comme John Maitland, Philip Rodney et Lewis Colson, développaient leurs idées, mais lord Simon prenait aussi l'avis du quartier-maître charpentier, Tom O'Graney, quand il s'agissait de l'aménagement intérieur du vapeur. Tous comprirent très vite que Cornfield souhaitait reproduire, avec des équipements modernes, le somptueux décor du voilier incendié.
     

    Pacal, quand il ne tenait pas compagnie à son grand-père, pêchait le mérou avec Sima ou les petits-fils de Maoti-Mata, devenus pêcheurs professionnels. Fish Lady ayant initié son filleul à la chasse au requin, il la remplaçait souvent, avec ses harpons, auprès des pêcheurs d'éponges qui, toujours, craignaient l'apparition des squales.
     
    Il passait aussi beaucoup d'heures instructives avec son père, sur le chantier du phare, au Cabo del Diablo. Charles Desteyrac espérait que la tour serait achevée avant la saison des ouragans. L'escalier en colimaçon qui, à l'intérieur du phare, donnerait accès à la plateforme des lanternes, serait mis en place avant le départ pour l'Europe, prévu en avril.
     
    Habile à présenter des projets et à faire valoir ses aspirations, avec une assurance teintée d'humilité pour ne pas effaroucher, le jeune homme convainquit son père de faire niveler un terrain, au fond du parc de Malcolm House, afin d'établir un court de lawn tennis , jeu pratiqué depuis peu à Cambridge. Le lawn tennis , jeu de balle avec raquette, dérivé du jeu de paume, était d'origine anglaise, invention du major Walter Compton Wingfield. Le jeu était maintenant assez répandu en Angleterre et sur les plages françaises pour qu'on eût, cette année-là, organisé à Londres un premier championnat.
     
    Dès que le terrain fut aplani, Pacal, qui avait commandé raquettes et balles à Boston, fit confectionner, par les tresseuses de sisal, le filet réglementaire et initia Anacona à ce jeu, plus sportif que le crocket.
     
    La Cubaine, compagne de baignade, de promenade et de jeu de Pacal, admirait le sang-froid et l'adresse du jeune homme, autant qu'elle appréciait sa courtoisie et sa gaieté.
     
    Anglican par convention, mais d'une extrême méfiance envers les religions, il conduisait volontiers Anacona au mont de la Chèvre, quand elle décidait, catholique fervente, d'aller prier dans la chapelle du père Taval. Seules, quelques vieilles femmes, attachées à l'Église romaine par de lointaines ascendances espagnoles, fréquentaient encore l'oratoire.
     
    Pendant que la jeune fille faisait ses dévotions, Pacal bavardait avec le vieux prêtre, à l'érudition plus sûre que la vertu. Manuela Ramõ"rez avait donné huit enfants à ce curieux ermite : quatre garçons et quatre filles. Les fils, pieusement baptisés Matthieu, Marc, Luc et Jean, selon les quatre Évangélistes, avaient reçu une bonne instruction de leur père, puis, les trois premiers étaient allés dans des collèges de Charleston, en Caroline du Sud. On murmurait que les frais de scolarité avaient été payés par lord Simon. Grâce au docteur David Kermor, l'aîné des garçons, Luc, terminait ses études de médecine à Johns Hopkins University, à Baltimore. Uncle Dave voyait en lui son successeur au village des artisans, perspective qui rendait les Weston Clarke furieux. Marc naviguait comme cuisinier sur les navires de commerce. Matthieu étudiait la comptabilité et Jean, le benjamin, un peu simplet, était apprenti ébéniste à Nassau. Quant aux filles, les deux aînées, des jumelles, Pilar et Rosita, se préparaient au métier d'institutrice. Les deux dernières, Marõ"a et Ana, âgées de dix et douze ans, vivaient encore à l'ermitage avec leur mère, qu'elles assistaient dans les travaux du

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