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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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faire transiger la vérité et le mensonge. »
    Rassemblant le faisceau de ses accusations, Saint-Just proclama : « Mauvais citoyen, tu as conspiré. Faux ami, tu disais il y a deux jours du mal de Camille Desmoulins, instrument que tu as perdu, et tu lui prêtais un vice honteux. Méchant homme, tu as comparé l’opinion publique à une femme de mauvaise vie, tu as dit que l’honneur était ridicule, que la gloire et la postérité étaient une sottise. »
    Effectivement, lors d’une des entrevues avec Robespierre, Danton s’était écrié : « L’opinion publique est une putain ! »
    La dernière partie du discours traitait successivement le cas de Philippeaux, de Desmoulins, de Delacroix, et se terminait ainsi : « Les amis du profond Brissot avaient dit longtemps de lui qu’il était un inconséquent, un étourdi même. Fabre disait de Danton qu’il était insouciant, que son tempérament le portait à la campagne, aux bains, aux choses innocentes. Danton disait de Fabre que sa tête était un imbroglio, un répertoire de choses comiques, et le présentait comme ridicule parce que ce n’est presque qu’à ce prix qu’il pouvait ne point passer pour un traître par le simple aperçu de sa tortueuse manière de se conduire. »
    Enfin, après une péroraison : « Toutes les réputations qui se sont écroulées étaient des réputations usurpées. Ceux qui nous reprochent notre sévérité aimeraient mieux que nous fussions injustes. Peu importe que le temps ait conduit des vanités diverses à l’échafaud, au cimetière, au néant, pourvu que la liberté reste. » Saint-Just conclut par ce projet de décret :
    « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport des Comités de Sûreté générale et de Salut public, décrète d’accusation Danton, Delacroix, Philippeaux, Camille Desmoulins, Hérault de Séchelles, prévenus : 1 o  de complicité avec Orléans et Dumouriez, avec Fabre d’Églantine et les ennemis de la république ; 2 o  d’avoir trempé dans la conspiration tendant à rétablir la monarchie. En conséquence, elle ordonne leur mise en jugement avec Fabre d’Églantine. »
    Sans doute, ce réquisitoire ne constituait-il qu’un tissu serré de présomptions, mais chacun, dans la vaste salle verte et jaune, aux bustes antiques, au bouquet de drapeaux flottant au-dessus de la tribune, savait une chose ou une autre qui rendait indubitable l’ensemble des charges articulées par le rapporteur. Claude, pour sa part, aurait pu en citer des dizaines, et, au moins, comme preuve indubitable, la lettre de Bertrand de Molleville qui avait provoqué chez Danton à son retour de Belgique, juste avant le jugement du roi, cette scène effrayante. Il jurait alors ses grands dieux d’afficher lui-même dans tout Paris cette épître dans laquelle l’ancien ministre, réfugié à Londres, lui disait détenir les reçus des sommes touchées par lui, Danton, sur les fonds secrets de Montmorin, pour défendre les intérêts de la Cour. Il jurait de dénoncer à la tribune les manœuvres infâmes des royalistes pour le compromettre. Et il s’était gardé d’afficher ou de dénoncer rien de tout cela.
    D’autres députés, comme Tallien, Fréron, avaient été témoins de son intimité avec Laclos, Sillery, Philippe d’Orléans, qui venait faire le thé chez les Robert. Couthon n’ignorait pas comment Dumouriez, par l’intermédiaire de Westermann, et de Fabre, s’était entendu avec Danton pour établir sinon Orléans du moins son fils sur le trône. Et Sieyès enfin, la Taupe, en savait plus sur les accusés que Robespierre, Saint-Just, Claude et tous les autres réunis. Aussi le vote fut-il unanime. Il n’y eut pas une voix contre le projet : ni celles de Panis, de Delmas, de Legendre, ni celles de Ruhl, de Lindet, cette fois.
    « Il faut convenir, dit Maximilien entre haut et bas, que Danton a des amis bien lâches. »
    Sieyès n’avait pas fait une vaine promesse : la Plaine abandonnait Danton pour Robespierre. Aux yeux de Claude, le sens de ce vote était clair : la Convention ne voulait plus d’aventure. Elle choisissait Robespierre parce qu’il frappait toutes les formes de l’anarchie, parce qu’il fixait à la Révolution non pas, comme Danton, un terme rétrograde mais un but en avant et une ligne pour y parvenir, parce qu’il entendait conduire la république du gouvernement révolutionnaire au régime constitutionnel. Cette opinion fut

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