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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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quelles circonstances ?
    — Cela s’est passé début 1945, après le coup de force du 9 mars des Japonais contre les Français, parce qu’un camarade de classe était en contact avec la résistance, répond-il, en ajoutant : Ce n’était pas une affaire de choix ; c’était la seule chose à faire. Nous étions des patriotes. Puis, quand les Français sont revenus, rien n’avait réellement changé, sauf l’ennemi. Je n’ai rien fait de particulièrement courageux, j’étais un courrier. »
    Il suit un entraînement paramilitaire sommaire, sans fusil, car il s’agit d’un luxe pour les résistants du début. Mais il ne rejoint pas pour autant la « forêt ». En 1948, âgé déjà de vingt et un ans, il est inscrit au collège de My Tho, ville sur un bras du Mékong, en vue de décrocher son premier bac.
    « Malheureusement, en raison d’une grève des élèves fin 1949, j’ai dû quitter le collège pour participer à la propagande et aux manifestations de 1950 ; je n’ai même pas décroché la première partie du bac. »
    Pham Xuân Ân est devenu un militant.
    Pendant que de graves événements secouent le Viêt Nam, Pham Xuân Ân se frotte donc aux réalités d’un pays qui sort à peine de quatre-vingts ans de colonisation française. Il a vécu la misère du monde paysan, qui compte alors 80 % d’illettrés, l’arrogance des enfants de colons français et l’injustice sociale à laquelle des Vietnamiens participaient. Mais il a également connu le fort cocon de la famille vietnamienne. Quand il y pense, il évoque les « paradoxes », les « contrastes » qui ont ainsi façonné sa personnalité. Cela l’aidera plus tard, dit-il, à marier espionnage et journalisme sans trop de difficulté. Ayant appris à vivre dans deux univers qui s’entrechoquent, il évoluera plus facilement dans deux mondes différents.
    Cette gymnastique, il n’éprouvera pas de mal à la dominer : passer brusquement d’un bureau où des journalistes étrangers, souvent jeunes, parlent sans gêne, portes ouvertes, échangeant plaisanteries, informations et spéculations, à cette zone d’ombre où tout faux pas, tout mot de trop peut vous coûter la vie, où il doit avoir tout disséqué, tout analysé avant d’envisager de se prononcer.
    Un jour, au début des années 1970, un collègue américain de Time me dit, dans leur bureau commun : « Les Vietnamiens, il suffit de les inonder de motocyclettes. » Une autre fois, alors que nous sommes attablés à Givral, un autre journaliste américain a pris Pham Xuân Ân sous le bras pour lui dire : « Ne vous inquiétez pas, si les communistes gagnent, nous vous accueillerons chez nous. » Quelle qu’en soit l’intention, ces propos sont blessants. Pham Xuân Ân ne réagit jamais ouvertement, même quand il croule sous les demandes insatiables de ses supérieurs communistes en quête d’informations. Il n’est pas là pour se fâcher avec ses collègues, au contraire.
    Après avoir abandonné ses études, Pham Xuân Ân est confronté à de dures réalités. Vers la fin de 1949, il a regagné Sài Gòn où ses parents se sont de nouveau installés. Des épreuves l’attendent. Tombé gravement malade, son père est hospitalisé. Pham Xuân Ân se retrouve soutien de famille. Pour un jeune homme frappé lui-même de tuberculose, la tâche n’est pas facile.
    « C’est l’époque de mes trois métiers », dit-il.
    Levé à quatre heures du matin, il se rend dans les bureaux de la compagnie pétrolière Caltex, où il a été engagé comme comptable. Il y travaille de cinq heures du matin à une heure de l’après-midi. Puis il donne des cours de français. Le soir, il sous-loue – une pratique fréquente au Viêt Nam – un cyclo-pousse à un conducteur qui travaille de jour, afin de gagner quelques deniers supplémentaires. Le plus souvent, il transporte des clients au Grand Monde, lieu de plaisirs et de jeux à Cho Lón, le quartier chinois de Sài Gòn. Il les attend pour les ramener chez eux. Quand un de ses clients gagne, il perçoit un gros pourboire, mais ce n’est pas toujours le cas. En 1951, il quitte Caltex pour un emploi au service des Douanes. Les journées sont épuisantes.
    Un incident montre la complexité des relations dans une société où chacun est invité à tenir sa place. Pham Xuân Ân remarque qu’un beau jour, le propriétaire du cyclo-pousse s’adresse à lui de façon polie et non sur le ton

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