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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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envoyées par les journalistes. La censure, toutefois, était quasi inexistante pour la presse internationale.
    La guerre américaine au Viêt Nam a été le dernier grand conflit que les médias ont vécu en première ligne, dans une relative liberté, sans être soumis à de sévères restrictions. De quoi rendre jaloux les journalistes enfermés lors des deux guerres américaines au Proche-Orient, en 1991 et en 2003. Les communications étaient très lentes : la dictée au téléphone ou la perforation d’une bande télex. Ni téléphone satellitaire ni portable. Mais personne ne nous obligeait à endosser l’uniforme.
    J’ai été interdit de séjour à deux reprises, en 1973 puis en 1974, parce que mes jugements étaient devenus très sévères à l’égard d’un régime de plus en plus figé, autocratique et dont l’armée avait perdu, pour l’essentiel, le moral. Le degré d’impopularité du président Nguyên Van Thiêu variait selon les opinions. En revanche, sa crédibilité – tenir militairement face aux communistes – me semblait de plus en plus ténue. Les journalistes étaient néanmoins libres de circuler là où ils l’entendaient. On pouvait prendre la route dans n’importe quelle direction, à ses risques et périls. Comme l’a relevé Jean-Claude Guillebaud, davantage de journalistes que de généraux sont morts sur le théâtre de guerre indochinois.
    Le devant de la scène médiatique était, bien entendu, occupé par des vedettes américaines. Le journalisme sentait à la fois la compassion et le soufre. La quête de l’aventure, du scoop, de la photographie exclusive, l’exploitation du tremplin professionnel ou la nécessité de survivre jouaient un rôle important. J’ai connu au moins deux photographes qui se sont suicidés après la fin de la tragédie. Ils s’étaient pris au jeu du risque, de l’argent facile, de la possibilité de franchir, dans l’impunité, des pelouses interdites. Si le journalisme est à la fois une vocation et un métier, il tenait davantage de l’aventure, sans qu’ils s’en rendent compte. La chute n’a été que plus brutale. D’aucuns ont gravi rapidement les échelons après avoir fait leur temps au Viêt Nam. D’autres se sont retrouvés au bord du gouffre.
    À la frange de la presse internationale évoluait une nuée de Vietnamiens, assistants, interprètes, porte-serviettes, hommes à tout faire. Les uns étaient sérieux et fiables. D’autres n’étaient intéressés que par l’obtention d’un emploi, ce qui se comprend. Une troisième catégorie, celle des manipulateurs-nés, avait parfois plein d’entregent.
    Lôc en était l’un des bons exemples. Anglophone et francophone, cet ancien chef de district du régime du Sud servait de free-lance ou d’interprète à des journalistes étrangers. Les uns présentaient cet ancien officier catholique comme un agent double, d’autres affirmaient seulement qu’il avait des contacts avec l’« autre côté », celui des Viêt Côngs.
    « Qu’en était-il au juste ?
    — Lôc travaillait pour tout le monde », m’a répondu Pham Xuân Ân, deux décennies plus tard.
    En novembre 1972, à une époque d’énorme tension entre Henry Kissinger et le président Nguyên Van Thiêu, Lôc m’avait piégé en me « vendant », enregistrements audio à l’appui, la fausse histoire d’une fusillade entre unités viêt côngs et nord-vietnamiennes dans le Sud. Ce faux scoop, à la « une » du Monde, avait fait beaucoup de bruit, mais pendant un court laps de temps. J’avais été bien naïf. « En 1972, m’a récemment dit Pham Xuân Ân en guise d’épilogue, Lôc travaillait pour la CIA . » Sur le moment, il ne me restait plus qu’à présenter mes excuses à mes lecteurs, ce que j’ai fait.
    Être recruté par Le Monde comme correspondant de guerre au Viêt Nam équivalait à recevoir, d’emblée, son bâton de maréchal. Après le conflit coréen, la guerre du Viêt Nam, l’américaine, était la deuxième guerre chaude – et la dernière – de la Guerre froide. En 1965, j’ai découvert ce pays quelques mois après le débarquement à Dà Nang, dans le Centre, des premières unités combattantes américaines, en l’occurrence des fusiliers marins. Quand j’y suis retourné pour Le Monde en 1968, plus d’un demi-million de militaires américains se trouvaient dans le Sud. Stationnés en Thaïlande, à Guam, aux Philippines ou à bord de la VII

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