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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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avait fait parvenir à Hà Nôi le programme confidentiel de la « guerre spéciale » américaine dès la sortie de sa première édition, datée du 15 novembre 1961. Le volume confidentiel figure encore dans sa bibliothèque. Cinq autres éditions « révisées » ont été publiées de 1961 à 1963. « Je les ai toutes obtenues », dit-il, ce qui veut dire qu’il les a aussitôt transmises à Hà Nôi. Les communistes connaissaient donc exactement la tactique américaine dans le Sud.
    Ce programme est officiellement abandonné lors du renversement du président Ngô Dinh Diêm par une junte militaire en novembre 1963. Mais le fiasco d’Âp Bac, plusieurs mois auparavant, a déjà révélé les déboires subis dans son application. Dans un article publié par le New Yorker en mai 2005, Thomas A . Bass affirme qu’à cette occasion, Pham Xuân Ân « a défini la stratégie », ce qui expliquerait pourquoi lui-même et le commandant viêt công sur le terrain ont été les seuls à obtenir la plus haute distinction de l’Armée populaire. Le rôle de Pham Xuân Ân n’est-il, déjà à cette date, que celui d’un « espion stratégique » ?
    Quoi qu’il en soit, comme Pham Xuân Ân n’a pas manqué de le signaler dans ses rapports à Hà Nôi, le fiasco d’Âp Bac a porté un coup presque mortel à la « guerre spéciale » américaine. Quand Ngô Dinh Diêm et Ngô Dinh Nhu sont éliminés en novembre 1963 par une junte, avec le feu vert de Washington, une partie est déjà jouée. Pham Xuân Ân en informe Hà Nôi.
    « Quand le régime Ngô Dinh Diêm est renversé, la stratégie de la guerre spéciale est totalement défaite, dit-il. En 1964, poursuit-il, l’administration de Sài Gòn est ébranlée. L’ennemi perd un bataillon chaque semaine et un district chaque mois. » À cette époque, des conseillers américains demandent au Pentagone de négocier avec le Front de libération national du Sud-Vietnam afin de rapatrier les vingt-trois mille conseillers américains et d’éviter d’envoyer davantage de troupes.
    Mais, après l’assassinat de John F . Kennedy, Washington ne se résout pas à une négociation. Pham Xuân Ân avertit alors Hà Nôi que le gouvernement américain s’est lancé, dans le cadre d’une guerre dite « limitée », sur la pente d’un engagement plus grand qui se traduira, en mars 1965, par le débarquement de premières troupes régulières américaines. La deuxième décoration attribuée à Pham Xuân Ân, a rapporté son supérieur de l’époque, « est pour avoir jugé, en 1964, que les États-Unis enverraient des troupes au Sud-Vietnam ». Les avis de Pham Xuân Ân prennent donc de plus en plus de poids à Hà Nôi. Il est devenu beaucoup plus qu’un exceptionnel collecteur d’informations secrètes. Sa vision du conflit retient l’attention. Encore une fois, il a vu juste : le corps expéditionnaire américain gonflera très vite, à partir de 1965, pour atteindre le demi-million d’hommes trois années plus tard.
    Le public américain s’était habitué aux reportages sur des assauts sanglants de collines, les combats dans des forêts, des marécages, des rizières. Des paillotes qui partent en flammes, des cortèges de réfugiés vietnamiens miséreux sur des routes de campagne, de jeunes recrues américaines tuées dans une Asie tropicale qu’ils ne connaissent pas, les rondes d’hélicoptères, les effets du napalm et de l’agent orange, les cercueils enveloppés dans la bannière étoilée, les énormes trous laissés par les bombes de B-52 vidées en chapelet – tel était jusqu’alors le visage de la guerre du Viêt Nam dans les foyers d’outre-Pacifique. Une guerre qui créait un profond malaise de plus en plus sensible, coûteuse en vies humaines et en deniers, dont l’Amérique comprenait de moins en moins l’enjeu au-delà des antiennes sur la « défense du monde libre ».
    Début 1968, cette guerre change brutalement de visage.
    À l’abri des pétards du Nouvel An vietnamien, cette année-là, les Viêt Côngs attaquent, de manière très coordonnée, une centaine d’agglomérations du Sud. À Sài Gòn, où ils ont engagé quatre mille hommes, ils parviennent même à s’infiltrer dans la forteresse de béton formée, au cœur de la ville, par l’ambassade des États-Unis. Toutes les villes, y compris l’ancienne capitale impériale de Huê, sont pénétrées. La fureur est égale dans les

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