Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
un oncle, qui était communiste », dit Nguyên Huu Hanh, âgé de quatre-vingt-un ans en 2005 et membre, à cette date, du Comité central du Front de la Patrie, organe qui coiffe les organisations para-communistes. « Il y a bien eu un “haut les mains” de militaire, mais aucune brutalité », résume-t-il.
En fait, le 29 avril, Radio-Libération et Radio-Hà Nôi ont relayé un appel des autorités du Nord à la cessation des combats. « Big Minh » a réagi en acceptant aussitôt cette offre dans une lettre transmise au GRP , le gouvernement révolutionnaire sudiste. Un colonel viêt công avait été introduit au préalable auprès du général Duong Van Minh au palais de l’Indépendance. Duong Van Minh n’avait accepté la présidence que pour mettre un terme à la guerre.
De son bureau du Continental, où il s’est réfugié, Pham Xuân Ân suit le déroulement d’événements auxquels il n’a pas de raison d’être mêlé. Sa mission est remplie. Même s’il n’a guère le temps d’y songer sur le moment, il se retrouve au bout du long cheminement amorcé, dans la fougue de l’adolescence, une trentaine d’années auparavant. Les communistes n’ont pas tiré sur la noria d’avions et d’hélicoptères qui évacuent, jusqu’au dernier moment et dans une tension énorme, les Américains et certains de leurs protégés. Ils laissent faire alors que cinq divisions nord-vietnamiennes renforcent leur pression en pénétrant dans la vaste agglomération méridionale.
Pham Xuân Ân est parvenu à ses fins : les étrangers ont été dessaisis de tout pouvoir. Son travail, surtout pendant les quinze dernières années, a été couronné de succès. Trente ans plus tard, campé dans un fauteuil de son salon, il en parle avec philosophie. « J’étais seul, dit-il. Je devais non seulement récupérer des documents, secrets comme publics, mais je devais les analyser. La pression de Hà Nôi était forte car ils voulaient s’assurer de l’authenticité des documents. Leur fournir les preuves était à la fois très difficile et très dangereux. Trois cents pages de documents représentaient dix rouleaux de film qu’il fallait tirer et leur faire parvenir. En fait, nous manquions d’espions. »
Il n’était sûrement pas le « simple maillon d’une chaîne ». Il travaillait seul, sans filet pourrait-on dire, dans un univers méconnu de ses supérieurs. Il lui appartenait d’organiser lui-même son propre tissu de protecteurs, d’informateurs, d’interlocuteurs. Même avec ses amis les plus proches, il devait agir avec la plus grande circonspection tout en recueillant leurs observations ou en faisant appel à leur intelligence.
Comment a-t-il tissé sa toile – et quelle toile ! – pour avoir accès aux documents les plus confidentiels, qu’il s’agisse de plans opérationnels ou d’interrogatoires de prisonniers ? De sa façon d’opérer, il n’a pratiquement jamais parlé de peur, dit-il, de mettre en danger des vies, même de nos jours. Il a refusé plusieurs courriers proposés par les communistes pour leur préférer une femme courageuse à laquelle il voue une admiration sans bornes. Outre sa mère et sa femme, épousée en 1962, cette messagère intrépide était la seule personne susceptible de le retrouver.
Trois femmes étaient donc au courant de ses activités. À partir de 1960, donc après son retour des États-Unis, quelques cadres des services de renseignements communistes avaient eu l’occasion de le rencontrer, au prix de très grands risques. En dehors de la forêt de Hô Bo, où il se rendait de temps à autre pour présenter lui-même des rapports. Mais ils n’ont jamais pu le contacter directement. Pham Xuân Ân était condamné à la solitude dans le dédale de ce monde du renseignement saigonnais, où les officines s’entremêlaient. Il devait se méfier des agents doubles, des pisteurs, des gens chargés de le tester ou de le suivre. Il lui restait alors à accomplir le plus difficile : interpréter les documents qu’il avait récupérés, distinguer le vrai du faux, éviter les tentatives d’intoxication, ne conserver que la substance de ces rapports qu’il devait microfilmer et commenter avant de les confier à son courrier.
« Hà Nôi passait son temps à me réclamer des documents. Moi, j’étais un agent de renseignements stratégiques, pas un espion. Récupérer les documents n’était pas de mon ressort mais il fallait
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