Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique
1. “Vous serez bombardés par l’artillerie de la marine mais cela n’est pas grave”, dit Vo Nguyên Giáp. Ils se sont déplacés jour et nuit. Le général Ngô Quang Truong, l’un des meilleurs officiers de l’armée de Sài Gòn, évacue par la mer. La poche de Dà Nang est réduite. » Et, ajoute Vo Nguyên Giáp : « Nous avons disposé de plusieurs divisions supplémentaires pour l’attaque finale contre Sài Gòn. Je leur ai alors simplement dit : “Foncez sur Sài Gòn !” »
Audace, effet de surprise, concentration de troupes, génie de la logistique – à l’image de Napoléon Bonaparte, Vo Nguyên Giáp n’a rien oublié.
Tout en l’écoutant, je ne peux m’empêcher de penser à ce que l’homme – à mes yeux, le grand capitaine du XX e siècle – a pu subir au cours d’une si longue vie. En 1940, après son départ pour rencontrer Hô Chí Minh en Chine, sa première épouse, une militante comme lui, a été arrêtée par la Sûreté française et vicieusement torturée. Elle se serait suicidée en prison pour mettre fin à ses souffrances et ne pas parler. Vo Nguyen Giáp ne l’apprendra que quelques années plus tard. Lui-même a été emprisonné de 1930 à 1932, donc bien avant son adhésion au PC clandestin, en 1937. À partir des années 1960, il a été victime de cabales continues de la part d’apparatchiks communistes qui voudraient bien se débarrasser de lui mais doivent attendre, pour y procéder, que la guerre se termine. Plus récemment, le micro lui a été arraché lors d’une réunion à huis clos du PC . Vo Nguyên Giáp s’est révélé plus à l’aise sur les champs de bataille qu’habile en politique.
L’atmosphère, dans son salon, est à la fois douillette et urbaine. Bien entendu, ses propos sont enregistrés et filmés. Au lieu de parler des « impérialistes français » – terminologie des discours officiels –, Vo Nguyên Giáp recourt, en s’en excusant, à un terme plus neutre, « l’ennemi ». Un membre de son entourage me remet sa carte de visite : une photo de lui-même en compagnie de Vo Nguyên Giáp et de sa deuxième épouse, qui enseigne le français à l’université. Celle-ci nous rejoint à la fin de l’entretien. « Je lis Le Monde et j’étais curieuse de voir quelle tête vous aviez », me dit-elle. Quand je la prie de m’excuser d’avoir retenu si longtemps le « tonton général » – nous l’appelons ainsi entre amis –, elle répond que « cela lui fait du bien ». « Je vais l’étendre une heure pour qu’il se repose », me dit-elle pour me rassurer. Quand je rapporte à Vo Nguyên Giáp le dicton populaire vietnamien – selon lequel « les journalistes mentent pour gagner de l’argent » –, il me reprend gentiment : « Chez nous, oui, mais pas chez vous. »
Serais-je à mille lieues de Sài Gòn ? Hà Nôi ne se prête pas aux confidences. L’ambiance y est feutrée. À de rares exceptions près, les gens préfèrent, même de nos jours, y recevoir l’étranger accompagné d’un officiel, selon la règle. Les Hanoiens s’expriment volontiers par allusion, même s’ils connaissent bien leur interlocuteur. Le contraste y est net avec le franc-parler des Méridionaux, leurs sautes d’humeur, leur mélange de susceptibilité et de tolérance.
J’ai appris qu’un entretien avec le général Vo Nguyên Giáp avait nécessité l’approbation du Comité central du PC . Quand j’ai demandé à rencontrer des victimes de la grippe aviaire dans un village du delta du fleuve Rouge, le ministère des Affaires étrangères m’a d’abord conduit au chef-lieu de la province où j’ai été reçu par le Comité populaire, lequel m’a accompagné dans les locaux de l’association provinciale des anciens combattants, en charge de la question. Nouvelles salutations, présentations, tasses de thé, agrémentées d’un briefing. Quand nous nous sommes rendus dans le village concerné, notre convoi comprenait trois voitures et, bien entendu, le président du comité populaire local – le maire du village – nous attendait sur place.
Retour au Sud. Quelles avaient pu être les relations entre Vo Nguyên Giáp et Pham Xuân Ân ?
« Lors de la victoire de 1975, Vo Nguyên Giáp ne pouvait pas savoir qui lui envoyait les rapports. Même le général Trân Van Tra, qui a commandé le siège de Sài Gòn, ne connaissait pas mon nom », répond Pham Xuân Ân. Vo
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