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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l'admiration des Siennois pour cette construction anarchique cernée par les maisons et définitivement inachevée.
     
    - C'est une des cathédrales italiennes, dit Anne, où se découvre le plus l'influence française, les cisterciens ont dirigé l'oeuvre sans parvenir à soumettre à leur sobriété les exécutants italiens. Le résultat est cette fausse unité pleine de charme inattendu dans l'architecture et les couleurs.
     
    Jean-Louis se fit commenter le pavement de marbre blanc, noir, rouge et gris, sorte de marqueterie précieusement équilibrée dans la pierre. Il se pencha sur les Sibylles, sur Moïse frappant le rocher et fit aussi connaissance avec l'art de Beccafumi. La visite fut longue et consciencieuse et bientôt Jean-Louis se sentit fatigué. Des fresques de Pinturicchio à la Libreria, aux sculptures de Donatello, l'histoire du pape Pie II qui écrivit dans sa jeunesse un roman licencieux, tout cela fut commenté par Anne dans le détail.
     
    Tandis qu'elle parlait en essayant d'étouffer les sonorités de sa voix, volubile puis soudain hésitante, quand elle ne trouvait pas immédiatement le mot juste en français, Jean-Louis l'observait. Blonde, mince, nerveuse, les mains rapides à désigner tel ou tel détail d'une fresque ou d'une sculpture, décrivant le mouvement même de la vie que l'artiste y avait immobilisée pour l'éternité, Anne semblait appartenir au décor dans sa jupe bleu marine et son corsage blanc, un carré de mousseline noué sous le menton, coiffure respectueuse et symbolique qui ne faisait sous sa pointe légère que souligner l'exubérance de sa chevelure.
     
    Elle prit soudain conscience de la lassitude de Jean-Louis.
     
    - C'est assez, dit-elle dans un sourire, allons faire une prière et sortons.
     
    Pendant qu'elle priait, agenouillée près de quelques vieilles femmes devant la chapelle de la Vierge, il vint tout naturellement aux lèvres de Jean-Louis une oraison pour son père qui était venu, dans cette même cathédrale, remercier Dieu pour un bonheur qui lui avait été promis.
     
    Au soleil de midi, une foule patiente et triste attendait que sonne l'heure des visites à l'hôpital Santa Maria della Scala. Des familles encombrées de petits paquets, de sacs de friandises ou de fruits achetés aux commerçants ambulants, guettaient le signal qui les précipiterait inquiètes vers les salles où les malades guérissent ou meurent sous des plafonds historiques dont les fresques ont été peintes entre 1450 et 1500.
     
    Aucun des visiteurs venus des campagnes siennoises ne peut s'étonner de cet hôpital-musée qui lui est familier depuis cinq siècles. Ceux qui ont connu d'autres cliniques, à Florence ou ailleurs, plus modernes, plus hygiéniques, les ont trouvées laides et quelconques et le décor du vieil hôpital de Sienne a quelque chose qui inspire confiance dans les guérisons. Il y flotte on ne sait quelle atmosphère qui rend moins évident et plus aisé le passage de la vie à la mort.
     
    Jean- Louis et Anne revinrent tout naturellement vers le Campo. Au bar de l'Esperanza, le merle les accueillit d'une roulade conventionnelle et le patron déposa sur leur table deux verres pareils à deux cônes de rubis, en équilibre sur leurs pointes.
     
    – Vous ne m'avez pas paru un visiteur très attentif dans la cathédrale, dit Anne.
     
    – Je manque de bases d'appréciation et je crains de ne pas savoir très bien voir les choses et puis, les oeuvres d'art ne livrent pas toute leur beauté aux profanes. Pour dire vrai, je me suis senti un peu dépaysé, pas à ma place, j'avais l'impression désagréable de ne percevoir que l'esthétique des peintures et des sculptures alors que leur force mystique m'échappait.
     
    -Vous êtes trop exigeant, dit Anne, et vous voudriez que les artistes vous décernent des messages personnels, alors qu'ils n'ont peint et sculpté que pour donner le branle à ce qui est en vous.
     
    - Je crains qu'il n'y ait pas grand-chose en moi, répondit-il avec amertume. Jusqu'à ce que je vienne ici, il y avait la pensée de mon père et tout ce qu'il m'avait enseigné, ses notions strictes du bien et du mal et cette méfiance du monde extérieur. Il envisageait en toute chose, dans l'art comme dans les êtres, leur insincérité, et pour suivre sa sagesse, j'avais clos le refuge intérieur. « À quoi bon voir les autres, les écouter, leur accorder des pensées, puisque tout est factice en eux et dans ce qu'ils

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