Une veuve romaine
motifs, et qui n’a tout simplement jamais eu de chance dans la vie ?
Je n’avais pas fini de parler que cette attitude beaucoup trop conciliante me surprit moi-même. Je commençais à me ramollir dangereusement, il fallait que j’en convienne.
Ma sœur et la dame de mes pensées agitèrent leurs bracelets dans ma direction, et m’ordonnèrent de leur dresser un portrait détaillé de Zotica – ce qui leur donna l’occasion de la mettre plus bas que terre. Maïa, qui avait été tisseuse professionnelle, s’intéressa particulièrement à ses travaux manuels.
— Elle utilise vraiment le métier elle-même ? À quelle vitesse travaille-t-elle ? Est-ce qu’elle copie un modèle ? Quand elle change de couleur, attrape-t-elle l’autre laine automatiquement, ou a-t-elle besoin de réfléchir ?
— Comment veux-tu que je me rappelle ?
— Marcus, tu n’es bon à rien.
— Mais je suis certain qu’elle fait le travail elle-même. Le fait qu’elle passe la majeure partie de son temps à jouer à Pénélope devrait plaider en sa faveur…
— Rester tranquillement assise devant son métier, trancha Maïa, lui libère l’esprit pour mettre au point ses horribles combines.
— C’est la vie traditionnelle d’une Romaine convenable. Auguste tenait à ce que tous ses vêtements soient tissés par les femmes de sa maisonnée.
— Oui, dit Helena en riant, et tout ça s’est terminé dans la plus grande débauche ! (Puis elle me regarda d’un air pensif.) Est-ce que tu as vraiment envie de tuniques qui grattent, mais tissées maison ?
— Je n’ose même pas y penser.
— Parfait ! Parle-nous plutôt de ses visites à la bibliothèque. Qu’est-ce qu’elle étudie ?
— La géographie.
— Ce n’est pas dangereux – à première vue, déclara Helena. (Ce qui ne l’empêcha pas d’échanger un nouveau regard avec Maïa.) Elle cherche peut-être une province agréable où elle pourrait aller s’installer avec son pactole si mal acquis.
— À vrai dire, j’en doute. Le seul manuscrit que j’aie pu apercevoir traitait de la Mauritanie. Qui veut aller s’établir dans un désert où des hordes d’éléphants dictent leur loi ?
— Elle aurait mieux fait d’emprunter des ouvrages sur le dressage des perroquets, intervint Maïa en riant. Est-ce que cette fille t’attire ? (Voyant qu’Helena m’observait du coin de l’œil, je répondis, rien que pour l’agacer :) Elle n’est pas mal, si on aime les rouquines !
Maïa me traita de dégoûtant, puis conseilla à Helena de me ramener à la maison – sans oublier le perroquet !
À peine étions-nous arrivés dans l’appartement que je découvris que ma sœur avait appris à Chloé à piailler : « Oooh ! Marcus s’est très mal conduit ! »
35
Le lendemain matin, tandis que je déployais de vains efforts pour tenter de rencontrer Appius Priscillus à l’un de ses luxueux pied-à-terre, Helena Justina acheta une cage pour le perroquet et prit deux messages.
— Tu as eu la visite d’un esclave qui a refusé de me donner son nom, mais à mon avis, il s’agissait de l’homme à tout faire des Hortensius.
— Ils me doivent un paquet d’argent.
— Il l’a apporté. Je l’ai compté et je lui ai fait un reçu. Est-ce que tu veux que je tienne tes comptes ?
En entendant sa question, je sentis se déclencher une sueur froide. Voilà un aspect de la vie en commun que j’étais loin d’avoir envisagé.
— Certainement pas ! Mon corps et mon esprit sont à ta disposition, mais un homme a besoin d’un peu d’intimité…
— Bon, nous verrons. (Helena n’avait pas du tout l’air impressionné par ma sortie.) Cet esclave a trouvé quelqu’un qui pourrait t’aider. Il va te l’amener ici demain matin. Tu pourras l’attendre ? Il va venir tôt, car la fille en question travaille dans la cuisine. Ah ! Il m’a aussi demandé de te dire autre chose : l’enterrement du cuisinier aura lieu après-demain. C’est au cas où tu aurais l’intention d’y assister.
— Oui, bien sûr que j’irai. Je ne peux pas faire moins pour Viridovix.
— C’est ce que j’ai pensé. L’autre message était de Petronius Longus. Il a besoin de te voir le plus vite possible.
Petronius étant de service, je partis le retrouver sur le mont Aventin. Il se libéra de ses occupations, le temps d’avaler un verre de vin avec moi. Je lui racontai ma matinée, passée à faire le tour des propriétés
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